Les fonds de la Méditerranée orientale regorgent d’hydrocarbures, en particulier de gaz naturel (au moins 3.500 milliards de m3). Pour exploiter ces ressources, Chypre, État membre de l’Union européenne (UE), a noué des partenariats avec Israël et l’Égypte, deux pays qui ont également des prétentions dans cette zone. Tout comme, d’ailleurs, la Turquie, qui se trouve isolée dans cette affaire.
En 2003, Nicosie et Le Caire se sont mis d’accord sur le partage des zones à prospecter dans les eaux internationales en Méditerranée. Accord encore récemment remis en cause par Ankara, qui entend faire en sorte que cette manne d’hydrocarbures puisse aussi profiter à la République turque de Chypre du Nord, née après l’intervention militaire de la Turquie dans le nord de l’île en 1974 [opération Attila], lancée après une tentative de coup d’État visant à rattacher Chypre à la Grèce.
Les critiques, exprimées par le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, n’ont pas manqué de faire réagir Le Caire. Ainsi, le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, a réaffirmé, la semaine passé, la « validité » de l’accord qui lie son pays à Chypre « au regard du droit international ». La veille, son porte-parole, Ahmed Abou Zeid, avait été plus direct, en mettant en garde la Turquie contre « toute tentative de compromettre les droits souverains de l’Égypte. »
Étant donné que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est un soutien des Frères musulmans (organisation déclaré persona non grata en Égypte), les relations entre Ankara et Le Caire sont en froid. En attendant, l’exploitation du champ gazier de Zhor, qui est le plus grand de Méditerranée, confiée par Le Caire au groupe italien ENI, a commencé en décembre 2017. Et selon le ministère égyptien du pétrole, la production doit s’élever à 30 millions de m3 d’ici juin 2018.
Justement, le groupe ENI a signalé, le 11février, que l’un de ses navires de prospection a été prié de faire demi-tour par des bâtiments turcs alors qu’il se dirigeait vers le bloc 3 de la zone économique exclusive (ZEE) de Chypre.
« Nous restons calmes dans le but d’éviter toute crise et prenons toutes les mesures diplomatiques nécessaires afin que la souveraineté de la République de Chypre soit respectée », a réagi Nicos Anastadiades, le le président chypriote. « Nous essayons d’éviter tout ce qui pourrait aggraver la situation, sans ignorer le fait que les actions de la Turquie sont une violation du droit international », a-t-il ajouté.
�À Ankara, le ministère des Affaires étrangères a une nouvelle fustigé les activités « unilatérales » de Chypre « au mépris des droits inaliénables des Chypriotes-turcs, copropriétaires de l’île, sur les ressources naturelles » de l’île. Cela étant, les manoeuvres d’intimidations à l’égard des compagnies mandatées par Nicosie pour explorer et/ou exploiter les gisements de gaz ne sont pas une première. En octobre 2014, un navire norvégien opérant pour le compte de Total avait été intimidé par la frégate turque Giresun.
Quoi qu’il en soit, le 12 février au soir, et après cet incident ayant concerné un navire d’ENI, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a appelé les autorités turques à « éviter les menaces et les actes dirigés contre tout membre de l’UE et à plutôt engager pour de bonnes et paisibles relations de voisinage. »
Mais il en fallait plus pour impressionner M. Erdogan. En réponse, le président turc a une nouvelle fois mis en garde les groupes d’énergie contre la prospection dans les eaux chypriotes.
« Ne pensez pas que les tentatives opportunistes de recherche de gaz naturel au large de Chypre (..) échappent à notre attention », a ainsi affirmé M. Erdogan, lors d’une allocution télévisée, ce 13 février. « Nous mettons en garde ceux qui dépassent les bornes à Chypre (..) contre les mauvais calculs » et « nous mettons en garde les entreprises étrangères qui font des opérations au large de Chypre », a-t-il ajouté.