Il y a 50 ans, le sous-marin « La Minerve » disparaissait au large de Toulon
L’actualité de l’année 1968 aura été très intense. Et l’on pense immanquablement aux événements du mois de mai, au Printemps de Prague, aux assassinats de Martin Luther King et de Bob Kennedy ou encore à l’offensive du Têt au Vietnam et aux Jeux Olympiques de Mexico. Au niveau militaire, l’on peut citer l’accident d’un bombardier B-52 au Groenland, avec quatre bombes nucléaires à bord. Et cette « loi des séries » qui frappa le monde des sous-mariniers.
Cette année-là, quatre sous-marins disparurent, dont l’américain USS Scorpion, le soviétique K-129, l’israélien INS Dakar et le français « La Minerve ». Cinquante ans plus tard, les causes de leur naufrage n’ont toujours pas été élucidées. Ou du moins officiellement.
Le 27 janvier 1968, « La Minerve », un sous-marin de la classe Daphné mis en oeuvre par 52 marins commandés par le lieutenant de vaisseau André Faure, participe à un exercice de lutte anti-sous-marine en relation avec un avion de patrouille maritime Breguet Atlantic, à 25 milles au large de Toulon. Les conditions météorologiques étant épouvantables, le programme est réduit.
À 07H55, à l’heure de la relève de quart, « La Minerve » est contactée par radio UHF par le Bréguet Atlantic pour l’avertir de la fin des essais de calibration. L’équipage accuse alors réception. Puis, les minutes suivantes, l’avion tente de contacter le sous-marin. Sans succès. Ces échecs sont alors mis sur le compte des conditions météorologiques.
Seulement, le sous-marin ne donne plus aucun signe de vie, alors qu’il était attendu à Toulon. Il est alors demandé aux sémaphores de Cepet et de Six-Fours s’ils ont pu avoir un contact radio avec « La Minerve ». La réponse étant négative, il faut alors se résoudre à l’évidence. Dans la nuit du 27 au 28 janvier, un message d’alerte PROBSUBMISS est lancé. Et le président Charles de Gaulle est immédiatement averti de la disparition du navire par Pierre Messmer, son ministre des Armées.
Dans les foulée, les opérations de recherche commencent dans la zone où a eu lieu le dernier contact radio avec La Minerve, avec un Breguet Atlantic et 7 navires. Puis, dans la matinée, tous les bâtiments disponibles sont mobilisés pour tenter de sauver, si possible, l’équipage du sous-marin. Même le porte-avions Clemenceau en sera, avec ses flottilles d’hélicoptères. Le commandant Cousteau, avec son submersible SP-350 Denise participe aux opérations.
Mais durant ces recherches, seule une trace de mazout est détectée… mais ce sera une fausse piste. Quant aux échos sonars recueillis, ils proviennent de vieilles épaves. Et, à mesure que le temps passe, l’espoir de sauver l’équipage de « La Minerve » s’amenuise. Le 2 février, il est mis un terme aux opérations.
Par la suite, deux autres campagnes de recherche seront menées. Sans succès malheureusement.
Dans ces conditions, il est bien compliqué d’avancer des explications sur la cause de la disparition de « La Minerve ». L’on sait que les conditions métérologiques étaient difficiles, qu’un cargo avait été repéré par le Bréguet Atlantic dans les environs de la zone d’exercice et que, détail important, le laboratoire de géophysique de Nice a constaté une « implosion » peu après le dernier contact radio du sous-marin.
Faute d’explications, certains accusèrent la Marine nationale de cacher des choses afin de ne pas porter préjudice à d’éventuelles ventes à l’étranger de sous-marins de la classe Daphné. D’autres firent des hypothèses farfelues, qu’il n’est nul besoin d’évoquer.
Pourtant, les scénarios pouvant expliquer cette disparition ne manque pas. Collision avec un autre navire? Explosion à bord (torpille par exemple)? Manoeuvre trop périlleuse? Avarie de la barre arrière? Cependant, l’un serait plus vraisemblable que les autres.
En effet, selon Hervé Faure, le fils du commandant de « La Minerve », un incident au niveau du schnorchel », c’est à dire le tube qui permet de faire fonctionner les moteurs diesel d’un submersible en immesion en les alimentant en air frais et en laissant échapper les gaz, serait le plus probable. « Le clapet retour n’aurait pas fonctionné, l’eau de mer envahissant alors le sous-marin », a-t-il confié à l’AFP.
Alourdie par l’eau, « La Minerve » aurait été entraînée par le fond, avant d’imploser à 600 mètres de profondeur. Ce qui expliquerait les relevés effectués par le laboratoire de géophysique de Nice au moment de sa disparition. En outre, le Flore, un autre sous-marin de la classe Daphné, a connu un problème identique, en 1971, également par gros temps. Mais la réaction de son équipage a évité le pire.
Cependant, cette explication en convainc pas tout le monde. Auteur du livre « Accidents des sous-marins français : 1945-1983« , Georges Kévorkian estime que, la mer étant mauvaise, le « navire naviguait en profondeur et ne pouvait donc pas utiliser le schnorchel. »
Deux rapports sur la disparition de « La Minerve », qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle du sous-marin argenatin ARA « San Juan », en novembre 2017, seront déclassifiés en août prochain. Mais d’après Hervé Faure, qui a eu accès à l’un d’entre eux, il ne faut pas s’attendre à en savoir plus. « On est en train de cacher des documents vides. Beaucoup de personnes pensent que les rendre publics va mettre fin à leur détresse, alors que non. Il n’y a rien dans ces documents, aucune conclusion », a-t-il confié à 20Minutes.
Le 8 février 1968, avant d’effectuer une plongé à bord de l’Euridyce, un bâtiment appartenant à la même classe que celle de La Minerve, le général de Gaulle rendit hommage à l’équipage du sous-marin disparu. « Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires. C’est à dire qu’ils avaient d’avance acceptés le sacrifice et qu’ils avaient conclu un pacte avec le danger. C’est pour cela, en particulier que le sous-marin « Minerve » a laissé au cœur de la France toute entière, un souvenir profond et à ses armées un exemple qui durera. Au nom de la patrie, je salue leur mémoire et je suis sûr que de ce qu’ils ont voulu faire et de ce qu’ils ont fait sortira pour notre France quelque chose de fort comme ils l’avaient voulu. »
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