M. Macron : « J’ai décidé d’arrêter cette lente érosion de nos capacités militaires »
Pour ses premiers voeux aux Armées, le président Macron a prononcé un long discours à bord du Bâtiment de projection et de commandement (BPC) Dixmude, à Toulon, ce 19 janvier.
Dans la première partie de son intervention, au ton plutôt convenu, M. Macron a fait le bilan des actions menées dans le domaine de la défense au cours de ces six derniers mois et évoqué le contexte sécuritaire et les menaces auxquelles la France doit faire face (« Les menaces d’aujoud’hui sont potentiellement les guerres de demain », a-t-il dit).
Mais pas seulement puisque le président Macron a aussi souligné la « pertinence » du modèle français de dissuasion nucléaire avant d’indiquer qu’il engagerait les travaux pour le renouvellement des deux composantes (océanique et aéroportée) au cours du quinquennat, donc lors de la prochaine Loi de programmation militaire (LPM). « La dissuasion fait partie de notre histoire, de notre stratégie de défense et elle le restera », a-t-il assuré.
Par ailleurs, il a également confirmé la mise en place d’un « service national universel », qui concernera plusieurs ministères et dont le financement n’affectera pas les Armées. Il y a quelques semaines, il avait été avancé que cette mesure risquait d’être abandonné au profit d’un « parcours citoyen ». Visiblement, ce ne sera donc pas le cas.
La deuxième partie du discours de M. Macron a été plus « tonique ». Après l’épisode des 850 millions d’euros de crédits annulés en juillet et la démission du général Pierre de Villiers, alors chef d’état-major des armées, le président se devait être convaincant pour aborder la question des moyens.
Sur ce point, M. Macron a en quelque sorte instruit le procès de ses prédécesseurs. Ou du moins les pratiques qui ont eu cours par le passé. « Considérant que le monde devenait moins dangereux, la part de la richesse nationale consacrée à la défense a été progressivement réduite par les gouvernements depuis 20 ans », a-t-il lancé.
« LPM après LPM, et je dirais que même si une certaine sagesse a conduit à conserver un modèle [d’armée] complet, celui-ci connaît aujourd’hui des difficultés liées aux décisions prises lors des LPM précédentes. Les formats ont été profondément contraints, revus à la baisse et je sais toutes les tensions qui ont été connues et son encore connues sur le terrain », a continué le chef de l’État.
Aussi, a-t-il ajouté, « j’ai décidé d’arrêter cette lente érosion de nos capacités militaires et de prendre un engagement fort qui sera décliné dans cette loi de programmation militaire. » Pour cela, a-il avancé, un « effort budgétaire inédit » doit être fait.
« La loi de finances votée par le Parlement s’élevera en 2018 à 34,2 milliards d’euros, soit 1,8 milliards de plus par rapport à 2017. Le projet de loi de programmation militaire que j’ai validé en conseil de défense, portera la trajectoire des ressources à 2% du PIB en 2025, avec des marches d’ores et déjà garanties de 1,7 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2022, de 3 milliards d’euros en 2023 », a affirmé M. Macron. Il est toutefois à noter que l’effort le plus important devrait être fait au début du prochain quinquennat…
« J’ai la conviction que notre défense est absolument prioritaire et j’assume devant la Nation mes choix de vous donner ces budgets. Mais vous ne devez pas ignorer qu’ils traduiront par ailleurs une réduction des ressources accordées à d’autres politiques publiques, dès lors que je veux que chaque euro dépensé contribue directement et efficacement à l’amélioration de notre outil » [militaire], a fait valoir le locataire de l’Élysée. « Chaque dépense sera évaluée à l’aune de son utilité opérationnelle », a-t-il insisté.
En outre, M. Macron ne veut plus de « batailles budgétaires », qui laissent des cicatrices profondes et parfois de lourdes conséquences sur la confiance mutuelle, entre le ministère des Armées et Bercy. D’où l’effort de « sincérisation » pour l’évaluation des surcoûts liés aux opérations extérieures, dont la prise en charge, chaque fin d’année, donne lieu « à des débats incompréhensibles pour le commun des mortels. »
« Je veillerai également, avec le soutien du Premier ministre et de la ministre des Armées et du ministre chargé de l’action et des comptes publics à une exécution budgétaire à la fois entière et complète mais également fidèle et sincère », a promis le président, qui souhaite que soit insufflé aux militaires, via leurs chefs, une « volonté d’aller de l’avant ».
« Peut être que certains d’entre vous, lassés par les réductions des formats, les batailles budgétaires des années passées, se sont laissés gagner par la routine d’une certaine méfiance. Ce logiciel-là, dans les conditions budgétaires que la Nation consent, il faut l’oublier. Nous n’avons aujourd’hui qu’un mot d’ordre : la confiance retrouvée et l’exigence qui va avec », a-t-il expliqué.
S’agissant de la future Loi de programmation militaire, M. Macron a décliné ses quatre principes : amélioration des conditions de vie, modernisation des équipements, coopération européenne (qui doit être vue, a-t-il dit, comme un moyen de « démultiplier l’armée française dans toutes ses capacités ») et l’innovation.
Au passage, les armées françaises, a-t-il lâché, devront être en mesure d’intervenir simultanément sur trois théâtres d’opérations, ce qui donne un aperçu de ce que seront leurs futurs contrats opérationnels. Le président Macron a levé une partie du voile sur les équipements futurs, dont les choix doivent « garantir la soutenabilité et la cohérence du modèle d’armée ».
Dans les grandes lignes, le président Macron a évoqué le renouvellement des blindés médians de l’armée de Terre, l’acquisition de nouveaux pétroliers-ravitailleurs (au moins quatre seraient commandés) et le lancement du programme, tant attendu, de patrouilleurs pour la Marine nationale. Quant à l’armée de l’Air, elle devrait bénéficier de davantage d’avions ravitailleurs A330 MRTT « Phénix » et de moyens supplémentaires dans le domaine du « renseignement aéroporté ».
Le renseignement justement. Comme pour les précédentes LPM, la fonction « connaissance et anticipation » sera prioritaire. Le président Macron a parlé de la mise en place d’une « posture permanente du renseignement », du renouvellement du segment spatial (dans le cadre d’une coopération européenne) ainsi que de l’achat de drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) supplémentaires, d’avions ISR légers, d’appareils de renseignement et de guerre électonique et d’un bâtiment spécialisé dans le recueil du renseignement. En outre, la cyberdéfense sera une nouvelle fois renforcée, tant dans ses capacités défensives qu’offensives.
Quant au ministère des Armées, et comme chaque euro investi devra l’être efficacement, il devra remédier à ses dysfonctionnements, comme il l’a déjà commencé à le faire avec la refonte du Maintien en condition opérationnelle aéronautique. S’il a passé un coup de « brosse à reluire » sur la Direction générale de l’armement (DGA), le président Macron a estimé qu’elle doit « faire évoluer ses méthodes ».
Enfin, le président Macron a estimé nécessaire une évolution des relations entre le ministère des Armées les industriels de la défense. Et les oreilles de ces derniers ont du siffler…
« Vous êtes des partenaires spéciaux, précieux, uniques et dotés de compétences rares. C’est grâce aux matériels que vous fabriquez que nos armées gagnent leur crédibilité sur les théâtres d’opérations. Mais c’est aussi grâce aux retours d’expérience de nos armées que vous êtes à la pointe dans beaucoup de domaines. C’est aussi grâce nos armées et à l’État que vous exportez dans nombre de pays. Je sais que la relation est bonne entre vous mais je suis également persuadé qu’en demeurant aussi bonne, elle pourrait être plus efficace et davantage mise au service de nos finances publiques », a dit M. Macron à l’adresse des industriels de la défense.
« Je suis persuadé que si on valorisait proprement l’expérience de nos armées et si nous savions la valoriser à tous égards, nous devrions pouvoir avoir des matériels moins chers, encore plus adaptés, plus rapidement, avec sans doute un entretien encore plus efficace. Je pense, à cet égard, que nous devons aller vers un meilleur rapport coût-efficacité », a affirmé le président, qui ne veut plus de « lobbying », comme au sujet du second porte-avions.
« L’État est aux côtés de ses industriels, il l’est pour les besoins de ses armées comme à l’export, mais j’attends la même exigence, la même transparence et le même esprit de responsabilité de nos industriels de défense. […] Nous investissons […] pour avoir les meilleurs prestations possibles », a conclu M. Macron