Le commandant des opérations spéciales déplore le manque d’hélicoptères de transport lourd
Au début des années 2000, la France et l’Allemagne envisagèrent de développer conjointement un hélicoptère de transport lourd afin de remplacer les CH-53G Stallion de la Bundeswehr et de doter les forces françaises d’une capacité qui leur faisait alors défaut.
Le principe de ce programme, appelé Heavy Transport Helicopter, fut ensuite confié à l’Agence européenne de la Défense (AED) en 2009. Il s’agissait alors de mettre au point, pour 2 à 3 milliards d’euros, un hélicoptère de 32 à 35 tonnes, devant être mis en service à l’horizon 2020. Seulement, ce projet végéte dans les oubliettes. L’Allemagne va donc se tourner vers les États-Unis (son choix se portera sur le CH-53K « King Stallion » de Sikorsky ou le CH-47F « Chinook » de Boeing). Quant à la France… Eh bien ses forces armées attendent toujours d’avoir un tel appareil.
Or, un hélicoptère de transport lourd serait le bienvenu. Dans un rapport publié en mai 2014, le Sénat avait estimé que ce ne serait pas un luxe pour les opérations en cours, en particulier pour les forces spéciales. Le document avait évoqué un achat de CH-47 Chinook d’occasion afin de combler un besoin clairement exprimé par l’état-major en 2006. Mais quatre ans plus tard, rien n’a été fait.
Ce que l’amiral Laurent Isnard, le commandant des opérations spéciales (COS) déplore. « En tant qu’employeur opérationnel, je regrette l’absence de projet d’hélicoptères lourds, dont sont équipées la quasi-totalité des armées occidentales », a-t-il lâché devant la commission de la Défense, à l’Assemblée nationale.
Dans ce domaine, les forces spéciales françaises sont bien moins lotis que leurs homologues européennes et américaines. « Rien qu’en Europe, l’Allemagne vient de passer commande de 60 hélicoptères lourds [ndlr, le processus d’achat vient d’être lancé], la Grande-Bretagne en a 90 et vient d’en moderniser 20 pour ses forces spéciales, l’Italie en a une quinzaine, l’Espagne, une quinzaine également et la Hollande, une trentaine. Les Américains en ont 500 – 1 000 si on y ajoute les V22 », a détaillé l’amiral Isnard.
Pour ce dernier, des hélicoptères de transport lourd lui « permettrait d’envisager de nouveaux modes d’acion, plus à même de contrer les menaces futures, au même niveau que nos alliés d’outre-Atlantique et d’Europe. »
Cela étant, le COS pourra éventuellement profiter des trois CH-47 Chinook bientôt déployés au Mali par la Royal Air Force pour soutenir l’opération Barkhane. Mais en attendant (et sauf une possible surprise que recèlera la projet de la future Loi de programmation militaire), il devra se contenter de ses hélicoptères de manoeuvre actuels ainsi que sur le NH-90 TTH en version « force spéciale ».
Au total, le 4e Régiment d’Hélicoptères des Forces Spéciales (RHFS) devrait compter 24 NH-90 TTH « Caïman ». Seulement, ces appareils n’ont pas été conçus, à l’origine, pour les opérations spéciales. D’où la nécessité de leur apporter des modifications (toujours) coûteuses, notamment au niveau de leur avionique, de leurs communicatons et de leur armement.
« Le COS a besoin d’hélicoptères NH90 modernisés au standard FS et de poursuivre la montée en puissance de l’hélicoptère Tigre dans sa version HAD (hélicoptère appui destruction) au sein du 4e RHFS […]. Des acquisitions sont souhaitées pour permettre d’accéder à ces hélicoptères de quatrième génération. Cela permettrait de rassembler la flotte Caracal au sein de l’armée de l’air et de densifier le parc de l’escadron d’hélicoptères (EH) ‘Pyrénées’. J’insiste sur le fait que la mise au standard FS du NH90 nous rapproche de nombreux partenaires – un très grand nombre de pays européens en disposent, mais aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande, engagés dans la même voie et qui sont prêts à faire copie commune afin d’alléger les coûts de développement », expliqué, sur ce point, l’amiral Isnard.