Quand, à l’automne 2014, les combattants kurdes syriens des Unités de protection du peuple (YPG) durent livrer la bataille de Kobané face à l’État islamique (EI ou Daesh), ils furent bien seuls. Dans un premier temps, du moins, car la coalition anti-jihadiste dirigée par les États-Unis vint leur apporter un soutien aérien… au point de nourrir les critiques du président turc, Recep Tayyip Erdogan.
Par la suite, après avoir repoussé l’EI à Kobané, ces milices kurdes continuèrent le combat et remportèrent plusieurs succès militaires face aux jihadistes. Puis, au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), toujours avec le soutien de la coalition, ils menèrent des actions décisives, dont la prise Manbij et, dernièrement, celle de Raqqa, alors capitale du califat autoproclamé par Daesh.
Déjà considérés comme « terroristes » par Ankara en raison de leur proximité avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), à l’origine d’une insurrection sanglante en Turquie, ces combattants kurdes ont été qualifiés de « traîtres » par Bachar el-Assad, le président syrien.
« Lorsqu’on parle de ceux qu’on appellent ‘les Kurdes’, ce ne sont pas juste des Kurdes. Tous ceux qui travaillent pour le compte d’un pays étranger, notamment sous commandement américain sont des traîtres », a en effet affirmé M. Assad, ce 18 décembre. « C’est notre évaluation de ces groupes qui travaillent pour le compte des Américains », a-t-il ajouté.
L’on suppose que le président syrien met donc dans le même sac les autres composantes des FDS, dont les chrétiens du Conseil militaire syriaque et différentes unités relevant de l’Armée syrienne libre (ASL).
En tout cas, cette déclaration de M. Assad n’est pas de nature à rassurer ceux qui prônent un dialogue « inclusif » (c’est à dire avec toutes les parties) pour tenter de trouver une solution politique à la guerre civile syrienne.
Initialement, quand cette dernière a éclaté, en 2011, les Kurdes (15% de la population syrienne) ont affiché une position neutre envers le régime syrien et la rébellion. Puis, profitant des circonstances, ils ont établi une autonomie de facto dans les territoires qu’ils contrôlaient dans le nord-est du pays, ce qui ne fut pas sans conséquence sur la décision de la Turquie d’intervenir militairement en Syrie, avec l’opération « Bouclier de l’Euphrate », avec le concours de groupes rebelles syriens.
Cela étant, cette déclaration du président syrien lui a valu une réponse cinglante de la part des Kurdes. « Bachar el-Assad et ce qui reste de son régime sont les derniers à pouvoir parler de trahison, car ce régime (…) est celui qui a ouvert les portes du pays aux hordes de terroristes étrangers venus des quatre coins du monde », ont réagi les Forces démocratiques syriennes (FDS), via un communiqué. « C’est lui-même qui a libéré tous les terroristes de ses prisons pour qu’ils versent le sang des Syriens de tous bords », ont-elles ajouté.
Par ailleurs, M. Assad s’en est violemment pris à la France, qu’il a accusée de « soutenir le terrorisme » alors qu’elle a connu plusieurs attentats sur son sol fomentés par Daesh pendant que les troupes syriennes avaient d’autres priorités que de s’attaquer à cette organisation jihadiste.
« La France a été le porte-étendard du soutien au terrorisme en Syrie dès les premiers jours » du conflit, a osé affirmer le président syrien, en référence au soutien apporté par Paris à ses opposants dès mars 2011. « Elle n’est pas en position de donner une évaluation d’une conférence de paix », a-t-il ajouté, en évoquant le dernier cycle de négociations organisé à Genève sous l’égide de l’ONU entre le régime syrien et l’opposition. Ce dernier s’étant terminé sans réelle avancée, la diplomatie française avait alors dénoncé la « stratégie d’obstruction irresponsable » de Damas.
Ces propos de Bachar el-Assad interviennent au lendemain de ceux tenus par le président Macron au sujet de la Syrie.
Estimant que la guerre menée dans ce pays contre l’EI sera « gagnée » d’ici la mi, voire la fin février, M. Macron a déclaré que, ensuite, il « faudra » parler avec Bachar el-Assad.
« Bachar est l’ennemi du peuple syrien. Mon ennemi, c’est Daesh », a fait valoir le locataire de l’Élysée. « Bachar el-Assad sera là. Il sera là aussi, car il est protégé par ceux qui, sur le terrain, ont gagné la guerre aussi, que ce soit l’Iran, la Russie, donc on ne peut pas dire qu’on ne veut pas parler avec lui ou ses représentants », a-t-il ajouté. Mais visiblement, ce dialogue s’annonce difficile.