Tout en étant obligé de s’inscrire dans la lignée des comtes d’Ormesson, il s’était fait son propre nom, en forme de sourire, qui reflétait bien son caractère facétieux : Jean d’O. Plus il vieillissait, plus Jean d’Ormesson – qui est mort dans la nuit du 4 au 5 décembre à l’âge de 92 ans – était charmant et charmeur, avec son œil si bleu et son air à jamais espiègle. « Il a toujours dit qu’il partirait sans avoir tout dit et c’est aujourd’hui. Il nous laisse de merveilleux livres », a déclaré sa fille, Héloïse d’Ormesson. Il pensait avec raison que la gaieté est une politesse et voulait mériter un qualificatif presque perdu, « dans un siècle où règne le ressentiment » : délicieux.
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Délicieux, il l’était. Bon écrivain, aussi. Mais, admirateur des grands auteurs, il se montrait sans illusion sur son œuvre – sans doute en attendant un démenti. Il a poussé ce jeu sur la littérature jusqu’à écrire un roman intitulé Presque rien sur presque tout (Gallimard, 1996). Lorsqu’on lui demandait si ce « presque rien sur presque tout » n’était pas l’inverse de ce que doit être la littérature, « presque tout sur presque rien », il partait d’un grand rire, en laissant au lecteur le soin de conclure.
Il pratiquait à merveille un art en voie de disparition, celui de la conversation. Il était brillant, jamais ennuyeux, parlait vite et bien. On avait envie de l’inviter sur tous les plateaux de télévision. On ne s’en privait pas, et il y avait pris goût.
« LONGTEMPS, JE ME SUIS DEMANDÉ CE QUE J’ALLAIS FAIRE DE MA VIE »
« Longtemps, je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie », affirmait-il au début de C’était bien, en 2000 (Gallimard) : un retour sur son passé et sur les contradictions de sa vie. Car, bien qu’appartenant à une « grande famille », tout n’avait pas été toujours facile pour lui.
Jean d’Ormesson est né le 16 juin 1925. Son père, André d’Ormesson, est diplomate, bientôt (en 1936) ambassadeur de France. Sa mère, née Marie Anisson du Perron, descend des Le Peletier. Comme il l’évoque dans Au plaisir de Dieu (Gallimard, 1974), il a passé une partie de son enfance au château de Saint-Fargeau, qui appartenait à sa mère. La famille suivant son père dans ses différents postes, il a aussi vécu en Roumanie et au Brésil.
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Pour échapper à Sciences Po Jean d’Ormesson entre en hypokhâgne, puis intègre l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, juste après la seconde guerre mondiale. Il passe l’agrégation de philosophie et se résout à enseigner. On lui propose un poste à l’université américaine de Bryn Mawr, près de Philadelphie, université de jeunes filles, ce qui l’amuse plutôt. Mais il tombe gravement malade.
Il entre en 1950 à l’Unesco, où il devient l’assistant de Jacques Rueff au Conseil international de la philosophie et des sciences humaines nouvellement créé – qu’il dirigera plus tard. Il fait aussi, avec Roger Caillois, la revue de sciences humaines Diogène, dont le premier numéro est sorti en 1953. Il déclarait détester les réunions et les comités de rédaction, ce qui ne l’empêchera pas de diriger Le Figaro entre 1974 et 1977