CNEC

Mea culpa, mea maxima culpa!

LE PLASTRON:

Pour animer les séances de combat, au début, l'ennemi était représenté par des chasseurs des services mobilisés à l'occasion. Mais le système était vraiment limité, c'est pouquoi une section plastron d'un effectif d'une vingtaine d'hommes, commandée par un sergent, fut créée. Peu de temps après sa création, il y eut quelques problèmes de dosage viril quant aux séquences de combat à contacts physiques (genre embuscade). des consignes précises ont alors été données au chef de section.

PARCOURS EVASION ET SURVIE.

Un soir, alors que nous avions terminé notre repas, nous avons été cueillis sans ménagement à la sortie du mess. Notre ceinturon nous a été ôté et nous avons été dirigé vers un réduit de la citadelle. Nous étions revêtu du seul treillis, un mois d'octobre-novembre, en altitude, ce détail a son importance pour comprendre la suite du récit. Chacun à notre tour nous avons été introduit dans un local où allait se passer un interrogatoire. Je reconnais que nous avions de la sympathie pour nos tortionnaires (nos camarades) et l'interrogatoire n'a pas été trop musclé. Puis, toujours à tour de rôle, nous avons été jetés dans une pièce totalement obscure. Il fallait à tout prix, à tâtons, trouver la sortie pour s'évader. Celle-ci se trouvait dans un angle, au niveau du sol et ressemblait à un long conduit, juste le passage d'un homme. A la sortie nous avions un comité d'accueil qui nous a fait grimper dans un GMC.

Nous avons roulé jusqu'à la région de Finestret, prés de Prades, dans un thalweg au pied du Canigou, en altitude. Au lever du jour nous avons pu voir l'environnement: une maison en ruine, une plate-forme, le tout entouré de versants abrupts. Nous étions orientés Nord, donc sans soleil. Pour nourriture nous n'avions que de la farine et de l'eau. Faire des galettes sans oeufs, ce n'est pas évident et le produit fini était bon pour se casser les dents. Peut-être avions nous autre chose, mais si cela a existé, je ne m'en souviens pas. Pendant trois jours nous étions dans l'inaction totale, et dame nature n'était pas généreuse en cette saison. Le ventre vide nous avions froid et nous avions hâte que cela se termine.

Voilà tout ce qui me reste en souvenir de notre instruction à la citadelle de Mont-Louis, maintenant nous allons attaquer LE RAID

Paradoxalement je n'en ai aucun souvenir. Je pense que c'est parce que nous étions en groupe et que nous nous étions organisé entre nous. Toujours est-il que cela n'a pas été mon souci. Il se peut qu'un malin avait un briquet, quant à la cuisson des galettes la plaque a dû être trouvée dans la maison en ruine.

LE RAID :
Petite remarque: Nous étions héritiers des méthodes d'instruction du 11° Choc et la notion du temps de paix n'était encore pas entièrement prise en compte. Nous faisions exactement "Comme si". Ceci explique pourquoi nous n'étions pas assurés sur les parcours du risque, car le risque faisait partie du mental. Quant à la tension vécue au combat, elle était compensée par un effort physique et moral permanent, toujours à la limite. Dans la réalité, bien souvent, nous n'aurions plus été opérationnels. Ces efforts ne peuvent pas être transcrits dans mes récits, car cela se vit et un spectateur ne peut que supposer. Je viens de présenter des récits qui sont étalés dans le temps, mais il y a d'autres activités qui m'ont échappé et je peux dire que leur densité ne laissait aucun répit.
Nous sommes arrivés au moment du raid de synthèse qui va durer huit jours (il s'agira surtout d'un long déplacement, de nuit, rarement de jour, en zône d'insécurité). Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, nous n'étions pas gonflés à bloc, mais déjà bien entamés dans nos réserves. Je tiens à souligner que je n'ai vu aucun superman parmi nous et que nous étions tous logés à la même enseigne.

Un vendredi, en fin d'après-midi, nous avons été héliportés en Siko, du camp militaire de Rivesaltes au pied du versant sud du massif des Corbières. Nous avons aussitôt commencé notre progression vers le Nord, une longue marche de nuit débutait au milieu des rochers et de la caillasse. (Pendant tout ce raid, comme j'avais déjà planché comme chef de commando, je n'ai pas eu un rôle de responsabilité et, comme l'on dit en école, "je bovinais", autrement dit je suivais et, de ce fait, je n'avais pas accès aux cartes, ni aux détails des missions. Je ne peux donc relater que ce qui se passait autour de moi.(En m'aidant de la carte et connaissant bien la région, je vais m'attacher à reconstituer l'itinéraire.) Nous nous dirigions vers Vingrau, puis, nous avons pris la direction de Tautavel. Nous avons effectué une descente en rappel. Au lever du jour, nous étions sur une hauteur surplombant Tautavel, camouflés dans une végétation rabougrie. Nous étions en stationnement toute la journée pour ne pas être vus et pouvoir récupérer. A noter qu'en fait de camouflage, la tâche était rendue difficile du fait de la couleur bleue de notre duvet.

A la nuit tombée, nous avons repris notre marche en direction d'Estagel, nous changion de nature de terrain: nous passions de la rocaille à une succession de ravines et de végétation rabougrie. Je ne sais plus à quel endroit, mais nous avons effectué le piégeage d'une voie ferrée désaffectée, au niveau d'un pont en maçonnerie. Un petit mot sur nos marches de nuit: Nous étions colonne par un avec de grandes distances pour ne pas tous tomber dans une embuscade, ces distances étaient donc à vue. La progression était très trés lente puisque nous étions en zône d'insécurité. Le chef du commando était en tête avec un éclaireur. Il devait fréquemment mettre un genoux à terre pour faire le point en consultant la carte avec sa lampe. Ceci provoquait une succession de haltes de durée variable et , lorsque la colonne repartait, il fallait s'assurer que le suivant ne sétait pas endormi. (Et oui ! le sommeil était bien notre ennemi). C'est au cours de ces petites haltes qu'un incident arrivait (rarement, il est certain) au chef de commando: Il avait plusieurs courroies autour du coup, dont celle des jumelles et, pour consultet sa carte il lui arrivait de poser son arme à terre. N'oublions pas qu'il faisait nuit et que la fatigue était bien là. Pris dans ses penseées de chef et par la fatigue, il en oubliait son arme. Pour lui, cela en était fini du certificat de fin de stage, et il était purement et simplement éliminé.

Nous avions une cohésion sans faille, nous avions le culte de la mission et nous savions tous pourquoi nous étions là. Cependant , je dois signaler un détail navrant : Dans ces moments d'effort, une arme plus lourde que les autres, demandait un partage de son port dans le temps: le F.M.. Donc nous nous le passions à tour de rôle, sauf l'un d'entre nous qui n'a jamais donné un signe de coopération, même en stationnement lorsqu'il fallait s'entraider par exemple pour construire un abri sommaire. C'était un cas particulier sur lequel je ne m'attarderai pas. Je peux seulement dire qu'il n'était pas du CNEC ni des TAP.
Au sujet du F.M., j'ai une image que je ne peux pas oublier: Alors que je sortais par la porte Nord de la citadelle, j'ai vu un lieutenant du 1° RCP (que je connaissais de la PM para à Grenoble en 1960) à la tête de sa section avec le FM sur l'épaule afin de gagner du temps à l'issue d'un raid chrono.

Nous avions repris la marche en direction de Latour-de-France, Montner, Cassagnes, Belesta, Nefiach (Je ne me souviens pas de l'itinéraire exact, mais il s'agit d'une zône). Sur une petite hauteur nommée côte 100, recouverte de buisson, nous avons attendu la nuit pour continuer notre progression. Je me souviens de notre arrivée à cette côte 100, de nuit, nous devions trouver la cache de ravitaillement. (Le chef de commando avait reçu un plan descriptif). La recherche a été très longue et, lorsque la cache a été enfin trouvée alors que notre estomac criait famine, notre soulagement a été de très courte durée. Le Chef de stage nous a dit simplement: "Bon! nous verrons la distribution au lever du jour, allez vous coucher!". Je pense qu'à cet instant, il a dû ouvrir toutes grandes ses oreilles pour savoir quel était celui d'entre nous qui allait le plus maugréer, afin de l'identifier et de prendre note.

C'est fort ,le plus dur aussi c'est d'infiltrer un milieu dans une mission , exemple pour les RG ou autre pas facile d'avoir une double vie ,tous les jours notre vie tient à un fil.....................Bref....CHAPEAU LES GARS

Nous devions être en milieu de semaine et, toujours de nuit, nous somme arrivés à Corbère-les-Cabanes où nous avons embarqué dans un GMC qui nous a emmené vers une destination inconnue sur le moment, mais en fait, nous nous sommes dirigés vers Céret. ( un jour, sous-officier de permanence, je suis venu à Céret au volant d'une 404 ambulance pour évacuer un stagiaire, qui avait une rage de dent, sur l'hôpital de Perpignan. D'ou l'importance de la qualité de l'aptitude physique.)
Puis, de Céret, le GMC a poursuivi sur Amélie les Bains pour grimper dans la montagne à destination de Montalbà d'Amélie à 550 m d'altitude au pied de Roc de France, à deux pas de la frontière espagnole. Là, nous avons pris en charge un ravitaillement sous la forme de un ou deux gros bidons metalliques, des poulets conditionnés pour être consommés, dans une ou plusieurs cagettes,  et peut-être autre chose ? Nous avions tout d'une caravane. Nous allions monter en "Base": ce sera une petite surface légèrement inclinée, située sur un versant boisé. Nous nous sommes réparties les charges. Tout au long de la montée, qui paraîssait interminable, nous n'entendions que les glaçons dans les bidons métalliques, puis ce fut l'installation d'un camp sommaire.

Cette montée en base me rappelle une anecdote,signe d'un changement d'époque: Un stage cadres était monté en base avec un ravitaillement sur pattes, en l'occurence, un mouton. pendant la montée les stagiaires se sont pris d'affection pour l'animal si bien que, le moment venu, personne n'a voulu procéder à l'égorgement de l'animal. Je ne connais pas la suite, mais peu importe. Mais nous considérions ce comportement antinomique dans un milieu commando qui se nourrissait des paroles des chants commandos et dans lesquels il n'y avait aucun signe d'attendrissement, bien au contraire. Je pense qu'aujourd'hui ces chants sont interdits et, le changement de mentalités fait que nous sommes difficilement, et même pas compris par la société contemporaine. Nous étions sensibles comme tout un chacun, mais notre aptitude à remplir les missions nous imposait de savoir maîtriser, ou du moins dissimuler cette sensibilité.

Il y a quelques années, je suis retourné à Montalbà d'Amélie, en promeneur, pour essayer de retrouver l'emplacement de cette base. J'ai pu constater, avec surprise, que le contexte dans lequel nous étions: la nuit, la fatigue, la lente montée interminable vers la destination inconnue, nous avait fait interpréter un environnement complètement faux et une distance surestimée. En réalité il n'y avait pas plus d'une demi heure de marche, et même peut-être moins. Quant à la surface du campement, vraiment réduite, elle correspondait à mes souvenirs, car nous y avions stationné de jour.

La nuit de notre arrivée, nous avons pu utiliser des abris de fortune faits de branchages par des stagiaires précedents, mais leur exiguité faisait que nous ne pouvions pas bouger sans bousculer le voisin. Nous avions bien entendu quelque chose d'anormal, mais sans plus. La réponse a été donnée au lever du jour: les poulets avaient disparu. Sans doute emportés par une bestiole, peut-être un chien? ou alors il s'agissait d'un coup concocté par notre chef de stage? Toujours est-il que nous avions un repas en moins. On peut se demander où était la sentinelle à ce moment là? Encore un sujet tabou, mais encore une preuve apportée sur mon doute quant à l'efficacité d'une garde lorsque tout le monde est exténué. Il ne s'agit en aucun cas d'une approbation mais de la constatation d'un fait. Cette situation n'a rien à voir avec celle de la sentinelle endormie dans un poste en Algérie, car cet endormissement là est le signe d'un manque de volonté de la part de cette sentinelle qui, elle, n'est pas soumise à une contrainte physique.
J'apporte encore un argument pour étayer ce sujet. En 1961, élève sous-officier à L'Ecole d'Application de l'Infanterie de St Maixent (Aucun rapport avec l'ENSOA), nous étions en camp pour huit jours avec des activités soutenues et, une nuit, nous devions tendre une embuscade. Mais cette embuscade n'a jamais eu lieu car tout le monde s'était endormi et le plastron était passé en toute quiétude. Bien sûr nous avons eu un beau savon de la part de notre instructeur, mais le mal était fait.) Effectivement, il arrive un moment où la volonté ne peut plus agir.

Je ne sais plus combien de temps nous sommes restés en base, mais au matin, avec seulement une boîte de sardines en poche pour la journée et pour deux, nous avons repris la progression sur le flanc nord du massif des Albères ce qui nous conduira jusqu'à Collioure dans quelques jours. Exceptionnellement nous nous déplacions de jour en direction des hauteurs de Céret. A partir de là, je n'ai que des brides de souvenir qui se résument en un lieu dit Mas Bardou  sur une grande étendue en plaine et un genre de grand hangar. Je ne sais plus ce que nous y faisions, par contre je sais qu'il faisait très beau. Mes souvenirs reviennent toujours à flanc de montagne, au niveau de Laroque des Albères où, avec un camarade, nous avions reçu pour mission de reconnaître un carrefour de routes et de se mettre en observation. C'est à ce moment là que quelques gouttes de pluie ont commencé à tomber, pour se transformer très vite en forte pluie, genre pluie cévenole (comme à Cerbère). Cette pluie n'allait plus nous lâcher jusqu'à Collioure. Nous avons effectué le dernier tronçon à partir de Sorède, le vendredi soir dans la nuit. La mer était trop démontée pour pouvoir terminer l'épreuve en Zodiac. Tout au long du raid nous n'avons pas vu le plastron, peut-être avait-il été prévu dans cette dernière partie?

Bonjour bretirouge,

Bien au contraire, je ne fais que présenter les méthodes d'instruction du CNEC à une certaine époque et il est très interessant que des témoignages de guerre viennent étayer mes propos. Encore un très grand merci !
Quoiqu'il en soit je ne voudrais pas que mes récits ne soient qu'un long monologue.