Les conflits : La guerre d' Indochine
29 mai 1951, combats de Ninh Binh
Témoignage d'un volontaire - Pierre Pihan, dit "le Quintal"
L’église de Ninh Binh qui sert d’abri au Commando François, n’est plus que bruit et fumée. Sa toiture s’écroule sous les coups au but des mortiers viets. Des obus explosent dans la nef.
Les bo-doïs de GIAP déferlent des calcaires vers l’église remplie de fumée ; les mortiers et les canons sans recul augmentent leur cadence de tir, les mitrailleuses se mettent de la partie, bientôt accompagnés des armes individuelles. Le mortier de SEVENO cesse son tir et ses servants se mettent à l’abri dans l’église.
De gros morceaux de toiture continuant à dégringoler, la position devient intenable. Le pacha décide de bousculer l’ennemi et de percer vers les postes amis de Ninh Binh. Les hommes commencent à sortir et aussitôt un FM les prend sous son feu et interdit tout mouvement. Ce FM est tout près de l’église, au pied du Christ en statue. Sous un feu de couverture, le second maître HENRY et le quartier maître CZARNECHI armé d’un FM, dévalent l’escalier et passent à travers les rafales. Le quartier maître MALECOT tombe sur le parvis , PIHAN maintient un feu d’enfer pour couvrir CZARNECHI, qui, son FM à la hanche, ouvre le feu et neutralise la pièce viet. Le parvis n’est plus battu par le feu adverse et les commandos foncent pour s’extraire du piège.
La puissance de feu des Viets est telle, que le pacha estime impossible de passer les lignes en groupe et donne l’ordre de dislocation : « petits groupes et foncez ! » PIHAN (le Quintal) en tête, suivi de SEVEN, MULLER, BRIOT et de COSSO se dirigent vers un pagodon qui se dessine en contre-jour dans les lueurs des départs. Les Viets pensent que les commandos sont encore tous dans l’église et concentrent leurs tir sur le bâtiment. La petite équipe est en train de se diriger vers le rach et les doris camouflés, lorsqu'une volée d’obus de mortier et de grenades leur tombe dessus. Les Viets sont juste derrière le remblai à trois mètres des commandos qui plongent dans la vase. COSSO couché contre PIHAN devient inerte. Le géant se tourne vers SEVEN qui grimace et meurt aussi. Un choc, une douleur effroyable ; le Quintal vient d’être touché, il se relève et voit le corps de BRIOT.
Une section de bo-doïs hallucinés fonce vers l’église en hurlant et piétine le commando, écrasant son vaste corps sanglant dans la vase. La horde passée, il se retourne sur le dos à grand peine, puis rassemblant ses dernières forces se relève et court vers le rach. Il bute dans un corps qui se relève ; MULLER ! c’est lui, et ensemble ils parcourent une vingtaine de mètres. Des coups de feu, PIHAN est blessé au flanc droit, MULLER est mort sur le coup. Il balance une, deux rafales vers l’endroit d’où sont partis les coups de feu; un groupe de Viets sort en hurlant et se rue à l’attaque. Il fait le mort à côté de son copain ; les Viets les piétinent tous les deux et foncent vers l’église. Il voit CZARNECHI et deux autres commandos être fait prisonniers et emmenés par les bo-doïs qui grouillent. De sa planque, il constate que des déserteurs allemands de la Légion servent des mortiers viets.
Des Viets viennent bavarder à quelques mètres de lui; ils lancent une grenade dans sa direction. Un éclat lui entaille la hanche droite. Couvert de sangsues, le blessé n’en peut plus, mais l’idée fixe de rejoindre les doris le maintient en vie. Il rampe vers le rach dont il entend maintenant l’eau chanter sur les berges. Les Viets, enragés, cherchent les commandos évadés.
Le rach est là, il plonge dans l’eau fraîche et traverse avec peine. Il sort de l’eau, fait l’inventaire de son armement et se redressant à demi, il prend un bout de piste et s’affale contre un mur, épuisé. Il entend du bruit derrière le mur ; prêt à ouvrir le feu, il découvre trois commandos, MAHE, CAZEAU et MASSEBOEUF. Des rafales sifflent à leurs oreilles, PIHAN dit à ses copains de le laisser et de revenir le chercher avec des renforts. Ils partent ; il se tasse contre le mur.
PIHAN se relève et essaie de courir derrière ses copains. Des coups de feu, une voix s’élève, c’est celle de CAROFF son copain qui ordonne de cesser le feu. Il est chez lui.
PIHAN sera opéré à Hanoi de justesse. Lui et ses copains CAROFF et SIMON deviendront les héros de l’Amicale des fusiliers marins et commandos de Toulon.
Les Viets, rendus furieux par la résistance de cette poignée d’hommes, fusilleront au mépris des lois de la guerre, dix sept soldats sur les lieux des combats. Neuf hommes mourront en captivité et douze seront portés disparus. Neuf hommes tués au combat et vingt quatre rescapés. Cinq hommes seront libérés du camp de prisonniers.
© Lucien Henri Galea -