Le général PACAUD, ancien chef de section au 3 , devenu général de brigade raconte
Le général (CA) Marcel BIGEARD
Notre dernier bulletin de section était déjà « sorti » quand nous fut annoncée la mort du général BIGEARD, une figure légendaire.
Les médias (presse et TV) ont relaté l’évènement ...sans trop s’y attarder. Heureusement les journaux des associations et du monde combattant ont rappelé le parcours d’exception, l’aventure hors du commun de ce soldat qui, à la force du poignet, devait franchir tous les grades de notre armée illustrant à merveille cette vieille maxime :
« chaque soldat détient dans sa besace son bâton de maréchal ». Notre Association, à travers la revue n° 89, rend hommage au général BIGEARD « le meilleur d’entre nous ».
Nous le faisons également, bien modestement.
Pour éviter des redîtes, nous rapportons d’une part quelques déclarations et écrits de personnalités éminentes (1) et, d’autre part. une anecdote confiée par chacun de trois de nos adhérents.
Homme exceptionnel confronté à des situations exceptionnelles, le général BIGEARD a aimé la France jusqu’à la déraison, jusqu’au bout de sa vie. Il a vécu pour elle, il a combattu pour elle, il lui aura tout sacrifié. Pour la France, il était prêt à tous les coups ... les coups de main comme les coups de gueule.
Chef rayonnant qui a d’abord, et toujours été au service de son pays, il incarnait toutes les grandes valeurs du soldat : l’engagement, la volonté et, enfin, le charisme qui lui permettait de galvaniser ses troupes derrière lui.
Chevalier des temps modernes, véritable missionnaire, il a marqué de manière indélébile pour le restant de leur vie les jeunes pour lesquels il est devenu le guide que l’on suit où qu’il nous conduise, fut-ce jusqu’à la mort, donnant l’occasion au ministre de la Défense, lors de ses obsèques de citer, bien à propos, les stances de Michel Menu :
« Si tu ralentis, ils s’arrêtent. Si tu faiblis, ils flanchent. Si tu t ‘assieds, ils se couchent. Si tu doutes, ils désespèrent. Si tu critiques, ils démolissent. Si tu marches, ils te dépasseront.
Si tu donnes la main, ils donneront leur peau. Si ils pries, alors ils seront des saints ». Avec ou sans uniforme, le général Bigeard sera toujours au service de la France. En 1975, alors qu’il commande la région militaire de Bordeaux, le Président de la République lui confie le Secrétariat d’Etat à la Défense avec pour mission de moderniser l’armée, de lui redonner confiance et moral, et aussi de relancer le prestige de l’armée à l’échelle de la nation.
Une mission que plus tard, élu député, il poursuivra à l’Assemblée Nationale en tant que président de la Commission de la Défense de 1978 à 1981. Le général Bigeard a écrit une vingtaine de livres.
Simplement, avec ses mots ... pour témoigner, pour rappeler le courage et le sacrifice de ses «p’tits gars », le sens de leur combat pour la liberté et la dignité de l’homme et, pour sans cesse, livrer ses réflexions sur la situation française et internationale, présente et à venir.
Éternel combattant, il est considéré comme le dernier soldat authentique de notre histoire militaire. Pour nous tous, il restera une référence, un exemple.
Adieu, mon Général, dormez en paix...si vous pouvez vous y astreindre. (1) en italique dans le texte Lucien MOREAU
MISSION SPECIALE avec le colonel BIGEARD
Par le général Patrick PACAUD, ancien chef de section au 3 ème RPC sous Bigeard et ancien chef de Corps du 3 ème RPIMa Grand Erg Occidental, 10 décembre 1957
Les derniers combats contre le peloton de méharistes qui avaient déserté en assassinant ses cadres européens, avaient eu lieu le 7 décembre à Hassi Ali. Ces méharistes avaient été renforcés par des fellaghas.
Tous les méharistes (sauf un) et les fellaghas avaient été tués ou fait prisonniers. Il semblait ne plus y avoir de rebelles dans la zone. Le retour sur la base arrière de Sidi Ferruch était donc proche. BIGEARD a installé depuis quelques jours un P.C. avancé léger à Kréala en plein milieu du Grand Erg Occidental.
Une petite piste permet aux Piper L 21 de se poser. A ce P.C., BIGEARD dispose d'une demi-compagnie en alerte, de l'un des 2 hélicoptères Sikorski H 24 encore en état de voler, et de ses liaisons radio.
A côté de lui se trouve le Colonel BRUNET, commandant l'Escadre d'hélicoptères n°2, c'est-à-dire tous les hélicoptères de l'Ouest de l'Algérie.
Le Colonel BRUNET est un pilote de chasse au passé prestigieux, vieux compagnon d'armes de BIGEARD. Ce jour-là, c'est l'escadron qui est en alerte à côté de BIGEARD. Je suis le chef du peloton " de jour ", c'est-à-dire chef du peloton devant intervenir en premier, le cas échéant.
BIGEARD appelle le Capitaine CALES, commandant l'escadron, et moi-même et nous explique : " Le pilote du Piper vient de repérer à 50 kilomètres un gros buisson dans lequel il a vu des matériels.
Il l'a survolé en rase-mottes à plusieurs reprises. Il est quasiment certain qu'il n'y a pas de fellouze dans ce buisson. On va aller voir. On prend le Siko disponible, BRUNET vient avec nous et mon radio. Reste quatre places dans l'hélico. PACAUD, tu prends ton radio et deux paras.
On y va " Dans certaines zones du Grand Erg Occidental, des buissons assez denses, parfois d'une dizaine de m² et de deux mètres de haut, poussent aux creux des dunes de sable.
Vingt minutes plus tard, guidé par le Piper, le H 24 se pose sur la crête d'une dune. Nous débarquons tous les sept, dont deux seulement armés de fusil.
Je laisse l'un de mes paras sur la dune pour "protéger" l'ensemble et je descends vers le buisson (25 m. de dénivelé) avec mon radio et le second para armé d'un fusil. Effectivement, il n'y a personne mais un matériel volumineux (300 kilos), constitué de matériels de campement, portes chargeurs, outils individuels et deux belles selles de méhariste.
Tout le monde me rejoint et nous remontons, tous les sept le matériel, en deux ou trois allers et retours, jusqu'à l'hélicoptère. Une fois le tout déposé près de celui-ci, BIGEARD décide de faire deux rotations d'hélicoptère et part dans la première avec son radio, une partie du matériel ( dont les deux selles ), et l'un de mes paras.
Nous voici donc à quatre, dont le Colonel BRUNET, à attendre le retour du H 24. Le temps de l'aller retour est de 40 minutes environ. Au bout d'une heure... pas d'hélicoptère ! Nous avions manifestement été oubliés. Ma radio (PRC 10), ne permet en aucune manière de joindre qui que ce soit, en raison des distances.
Une heure de plus se passe... toujours rien ! Nous nous apprêtons à passer la nuit sur place. Mais au bout de trois heures d'attente environ, on entend un bruit de moteurs d'avions.
C'est, très loin de nous, une patrouille de T 6 (avions de chasse et d'appui au sol). Vite, la radio sur canal "16" (canal d'appui aérien). - Ici Le Boudec 2, enfant de Bruno, me recevez- vous ? - 3 sur 5. - Je vous dirige sur moi. Les deux T6 arrivent.
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- Un H34 devait venir nous reprendre mais nous avons été oubliés sur le terrain. - Ah bon, je ferai le nécessaire après mon atterrissage à Colomb-Béchar, dit très tranquillement le pilote, chef de patrouille. - Bien reçu.
Mais je dois vous signaler que nous ne sommes que quatre, dont "Grand Soleil" (indicatif du Colonel BRUNET). - Répétez : Grand Soleil ? - Affirmatif. -
Je fais le nécessaire immédiatement. ½ heure après le H24 réapparaît. On embarque alors, tous les quatre, les matériels laissés sur place et nous revenons au P.C. de Kreoula que BIGEARD avait commencé de démonter.
Puis, par rotations successives d'hélicoptère, nous rentrons à TIMIMOUN, B.O.A. (base opérationnelle avancée) du régiment. Je pense que le Colonel BRUNET n'a pas du tout félicité le commandant de bord du H34.
Deux semaines après, à Sidi-Ferruch, je vais au P.C. du Régiment : de part et d'autre de l'entrée je fus très heureux de voir "mes" deux selles méharistes.
Patrick PACAUD, général