2 Mai 1957 :
7 militaires victimes d'une embuscade en Oranie.
Un caïd, qui était le chef clandestin du F.L.N. dans la région, arrêté à Maréchal- Foch avec de nombreux complices.
A Constantine, grenade dans un marché : une jeune fille meurt, 60 blessés.
Un livreur assassiné à Tlemcen.
3 Mai 19.57 :
Rien.
4 Mai 1957 :
Demographie:
LES RESULTATS DE L'OEUVRE MEDICO-SOCIALE
Telle qu'elle est, l'oeuvre médico-sociale réalisée, a donné d'appréciables résultats qu'il importe de préciser:
I. LA BAISSE DE LA MORTALITE
Si les taux de mortalité générale sont passés de 20,1 0/00 en 1901, à 16,50/00 en 1936, c'est surtout depuis 20 ans, et en raison des progrès immenses de la thérapeutique anti-infectieuse, que la baisse de la mortalité, s'est accentuée, passant en 1953 à 12,80/00 dans la population musulmane, et à 8,8 0/00 dans la population européenne.
Les chiffres ci-dessous concernant la population musulmane, montrent l'abaissement considérable de la mortalité dans le courant des sept dernières années, et plus spécialement la chute spectaculaire survenue de 1947 (182.986), à 1949 (112.806) pour se maintenir ensuite sensiblement à ce niveau.
DANS LA POPULATION MUSULMANE
Année Naissances Total ......Excédent
…..…..vivantes…des décès
1947 330.801 … 182.986 … 147.815
1948 331.045 … 149.580 … 181.465
1949 259.634 … 112.806 … 146.828
1950 306.808 … 114.320 … 192.488
1951 324.171 … 111.197 … 212.974
1952 339.818 … 105.601 … 234.217
1953 343.100 … 109.978 … 233.122
1954 363.042 … 114.869 … 248.173
Il s'agit d'ailleurs là d'un phénomène mondial particulièrement apparent dans les pays économiquement sous-développés, qui brusquement ont bénéficié des progrès de la science médicale, et de leur large diffusion. L'exemple de CEYLAN est typique où en l'espace de trois campagnes anti-paludiques à l'aide de D.D. T., le taux de mortalité est tombé de 20,3 0/00 en 1946, à 10,9 0/00 en 1953.
Ce phénomène récent est contemporain en Algérie de la disparition des grandes épidémies, notamment du Typhus et de la Variole, survenue après celle du choléra et de la peste, et de la quasi-disparition de la Syphilis et du Paludisme. Mais cette baisse de mortalité générale tient d'abord à une baisse de la mortalité obstétricale, qui augmente de ce fait les possibilités de la natalité. Ce sont ensuite les progrès de l'hygiène du premier âge et de la pédiatrie, qui concourent à abaisser la mortalité infantile, encore élevée en milieu rural mais très abaissée en milieu urbain. Enfin, l'instruction du Régime de Sécurité Sociale a contribué à améliorer la qualité des soins et à multiplier le nombre des prestations, donc à élever le niveau de santé moyen de la population musulmane, et à augmenter considérablement l'espérance de vie à la naissance.
II- L'EXPANSION DEMOGRAPHIQUE
Est la conséquence directe de la baisse de la mortalité, car tout problème de population étant la résultante de l'équilibre entre la natalité et la mortalité, c'est finalement la baisse brutale de la mortalité coïncidant avec le maintien d'une surnatalité constante, qui est la cause profonde de la surpopulation actuelle. Les données précédentes, relatives à la population musulmane, et celles ci-dessous concernant la population européenne, l'établissent très nettement.
DANS LA POPULATION EUROPEENNE
Excédent des naissances sur les décès
1947 9.831
1948 10.785
1949 11.106
1950 10.648
1951 10.435
1952 10.982
1953 10.175
1954 10.591
Alors que dans la population européenne, l'excédent a oscillé autour de 10000, soit un taux moyen annuel de 1%; dans la population musulmane, cet excédent, pendant la même période, a régulièrement progressé de 147.815 à 248.173, ce qui constitue un taux annuel de 2,5 à 3%: un des plus élevés du monde. Cette extraordinaire expansion démographique est donc pratiquement le fait de la seule population musulmane.
Quelques comparaisons permettront de se faire une idée plus exacte de l'ampleur du problème. Cet excédent annuel, déjà supérieur à 250.000 (258764 en 1954), est du même ordre de grandeur que celui de la Métropole (245.000 en 1953, pour 247.000 en France (42 millions), la même année) et il représente 1% de l'accroissement de la population mondiale, dont l'Algérie ne constitue que moins de 3 milliéme. Signalons que pour l'année 1956, en France métropolitaine, l'excédent des naissances sur les décès a été évalué à 260.000.
Les conséquences sont connues de tous.
En 1956, la population musulmane approche de 9.000.000, et la population européenne a dépassé 1.000.000. La population de l'Algérie a doublé depuis 1900, alors que celle de la France n'a augmenté que de 7% et à ce rythme, elle atteindrait 15 millions dans 20 ans, et à la fin du siècle, 21.500.000, dont 20.000.000 de Musulmans. Augmentant dans les mêmes proportions, la population métropolitaine dépasserait 86 millions en 1980. La progression actuelle équivaut déjà pour l'Algérie, à près de 700 bouches nouvelles à nourrir chaque jour.
Le surpeuplement qu'elle entraîne, bien que relatif, est incontestable, car si l'Algérie, grande comme 35 Départements français, est actuellement peuplée comme 20, il ne faut pas oublier que les conditions géographiques imposent une répartition très inégale de la population. C'est ainsi que le 1/6 de la population (au lieu de 1/15 en 1866) habite dans les 47 villes les plus importantes, où se multiplient les bidonvilles, et d'autre part, certaines régions montagneuses de Kabylie ont déjà atteint des densités comparables à celles de la Hollande.
Quant aux conséquences de ce surpeuplement, elles sont extrêmement graves, car les résultats obtenus par l'expansion économique se trouvent constamment remis en cause et finalement, il s'en suit un abaissement progressif du niveau de vie moyen, déjà inférieur au 1/4 du niveau moyen métropolitain. On sait en effet que plus de la moitié de la population musulmane a moins de 20 ans, ce qui fait dire que l'Algérie est un des pays les plus jeunes du monde. La contrepartie est hélas beaucoup moins réjouissante, car il faut logiquement commencer par scolariser cette jeunesse que l'on veut évaluer à environ 2.000.000, puisque l'on estime qu'un Musulman sur 4 a entre 6 et 14 ans. Il faudra ensuite trouver du travail et des débouchés à cette masse instruite, ce qui suppose la réalisation rapide d'un vaste programme d'expansion économique.
Mais si la baisse brutale et récente de la mortalité générale, dont sont responsables les progrès de la Médecine, est la cause immédiate du surpeuplement, l'autre aspect du problème n'est pas moins inquiétant: c'est le maintien d'un taux de natalité excessif. Les chiffres d'un précédent tableau ont montré que depuis 7 années, les naissances vivantes en milieu musulman ont oscillé autour du chiffre moyen de 330.000 avec une légère dépression en 1949 et 1950, soit proportionnellement plus qu'aux Indes, au Japon ou en Chine. Le calcul pour l'année 1953: 336.000 pour une population de 8.263.000, donne un taux de natalité de 40 0/00. Pour l'année 1954: 363.000 pour 8.450.000, le calcul donne un taux de 42,9 0/00. Et M. Breuil écrit: "en milieu musulman, le taux de natalité paraît s'établir au niveau de 40 à 50 pour mille, caractéristique de l'absence à peu près complète de mesures contraceptives".
Disons que la natalité demeure très proche du maximum physiologique. .Pour donner un point de comparaison: à un taux de natalité égal, le chiffre des naissances en France serait élevé en 1955 à plus de 2.000.000 au lieu de 800.000.
Nous n'entrerons pas ici dans le détail des causes de cette surnatalité, qui tiennent à l'encouragement religieux, aux moeurs, et à certaines incidences psychologiques, économiques et sociales. Disons simplement que cette surnatalité ne se justifie plus.
Là où, aux premiers siècles de notre ère, cette surnatalité était une nécessité pour assurer la survivance de l'espèce, spécialement dans les régions déshéritées, la baisse médicale de la mortalité rend maintenant cette surnatalité inutile et dangereuse. .Sauvy, dans une étude très suggestive, reprend à ce sujet un tableau, dû à L. Henry, comparant deux populations, l'une de type non évolué, à forte mortalité et forte fécondité (France au XVIIIème siècle), et l'autre de type évolué (Europe en 1950). Il constate que finalement, avec une stérilité volontaire de 66 % dans le mariage, la population évoluée occidentale du Xxème siècle retrouve le même taux de remplacement que la population non évoluée, soit un taux de reproduction nette compris entre 1,10 et 1,15. Ce qui lui permet de conclure par cette formule:
" Ainsi les diverses modifications survenues, dont la principale est la baisse de la mortalité, permettent de "supprimer" deux grossesses sur trois, tout en arrivant au même résultat".
Le drame des pays actuellement sous-développés est précisément qu'ils sont passés sans transition ou presque du stade de surmortalité à une mortalité égale, voire inférieure, du fait de la répartition des âges, à celle des pays développés. Inconscients de ce bouleversement mondial, ces pays continuent par tradition ancestrale à maintenir une surnatalité devenue anachronique. La difficulté réside justement dans la prise de conscience collective de cette révolution. Nous ne traiterons pas ici des remèdes que l'on peut envisager, ce qui nous emmènerait très loin et dépasserait le cadre de cet article.
Nous dirons seulement en conclusion, que si les Médecins et Hygiénistes français doivent être fiers de l'oeuvre réalisée en Algérie en un siècle d'efforts, ils ne doivent plus se contenter de leur mission traditionnelle: soulager et si possible guérir. L'oeuvre médico-sociale est à l'origine d'un véritable péril démographique, du fait que l'expansion économique n'a pas pu suivre les progrès et les réalisations obtenues dans le domaine de la Santé Publique. Il en va de même dans tous les pays économiquement sous-développés, qui ont bénéficié en priorité de l'aide médicale, ce qui n'a pas permis d'élever le niveau de vie moyen puisqu'en même temps se multipliait le nombre de bouches à nourrir.
Paradoxalement, le progrès médical apparaît donc comme un obstacle au relèvement du niveau de vie. Certes, l'expansion économique apparaît comme le remède théorique idéal, et d'ailleurs hors de la compétence médicale. Toutefois, ce serait une erreur, d'ailleurs souvent commise, de compter sur ce seul facteur économique pour résoudre ce difficile problème. Toutes les disciplines sont maintenant intimement liées, et les Médecins, dans le cours de cette seconde moitié du XXème siècle, devront se persuader du retentissement de leur action dans le domaine économique, et prévoir d'ailleurs toutes les répercussions de la science médicale.
C'est pourquoi, ils seront obligés de devenir aussi des éducateurs de ces populations qui continuent par tradition ancestrale à maintenir une surnatalité anachronique et dangereuse. Leur mission est certes de protéger la vie, mais elle est aussi de veiller à la qualité des êtres humains, et de faire comprendre que cette qualité importe plus que la quantité. L'accroissement actuel de la population humaine est un fait unique dans l'histoire du monde, auquel il n'est que trois solutions: soit la réduction mondiale volontaire du taux de natalité, ce qui rétablirait l'équilibre, soit la continuation de l'accroissement avec le retour à la mortalité par famines et épidémies, soit enfin des guerres de plus en plus meurtrières. La première solution est, quoi qu'on puisse dire, à la fois la plus morale et la plus raisonnable.
Des Pays musulmans l'ont compris, puisque dans un quotidien du Caire du 22-12-55, on pouvait lire: "La limitation des naissances est un acte social. L'opinion de la religion musulmane à ce sujet est représentée par le principe de l'Islam qui dit que la fin justifie les moyens. Elever le niveau de vie ne pourra se faire qu'en supprimant la menace d'une surpopulation toujours croissante, suscitant des problèmes toujours nouveaux, et ruinant tout le bienfait des efforts d'accroissement des ressources".
Puissions-nous, en cette période de réformes, tout mettre en oeuvre pour parvenir à ce résultat, qui en conditionne tant d'autres.
Docteur Pierre MICHAUX, Professeur à la faculté de médecine d'Alger Article paru dans "Algérie Médicale", vol. 61, 1957