Cet écrit fait par un des premiers, para Bigeard , est un fait incontestable de la reprise en main de "Bruno"
Témoignage d’un ancien du 3e.R.P.C. Philippe DAVID
« SACREE REPRISE EN MAIN »
Notre 3e.B.C.C.P. commandé par le Cdt. LENOIR dit « la vieille » et faisant partie de la 1ère. ½ Brigade Coloniale de Commandos Parachutistes avait été embarqué à Marseille, sur le KAIROUAN le 7 août 1955, pour débarquer à Philippeville, d’où par voie ferroviaire nous rejoignîmes Ouled Rahmoun, situé au Sud de Constantine ;
Nous devions y cantonner un certain temps, avant que d’être envoyés à Djeurf et les Djebels des Nementchas.
Au début de notre séjour, pendant quelques mois, nous crapahutions comme des dingues, sans voir un seul « fellouze » à l’horizon.
Après une de ces opérations exténuantes, sous une chaleur torride (nous avions perçu chacun une deuxième gourde) nous arrivons dans une oasis proche de la frontière algéro-tunisienne : Fontaine aux Gazelles.
Le Cdt. LENOIR fait aligner par compagnies notre Bataillon, et au repos nous attendons un certain temps ; Nous étions sales, avec des barbes de plusieurs jours – le peu d’eau que nous avions était réservée pour la boire - , car nous venions des djebels très arides, où nous étions stationnés depuis des semaines, sous des tentes, ravitaillés par air, boîtes de ration droppées par les avions ;
Le Commandement de la Région militaire dont nous dépendions (Des Zouaves ) nous obligeait à crapahuter en casque lourd, mais nous avions triché, et nous ne portions que le casque léger… donc protection nulle mais tellement plus confortable !
Ces casques avaient remplacé les chapeaux de brousse que nous portions au début, à notre arrivée en Algérie, et évidemment nous étions vêtus comme toute l’Armée, d’un treillis kaki, la tenue de combat standard à cette époque.
Donc nous attendions, dans cet état, tout en sachant que nous allions avoir un nouveau Patron, dont nous en ignorions le nom, c’était la surprise;
Soudain, sur notre gauche, surgit de l’horizon une jeep, dans un tourbillon de sable ; de celle-ci, à peine arrêtée, saute en voltige un « énergumène » en tenue camouflée retaillée, et coiffé d’un béret rouge.
Le Cdt. LENOIR, surpris par la rapidité de cette arrivée, précipitamment, fait présenter les armes, et salue notre nouveau Patron.
Le nouveau Chef de Corps fait mettre au repos notre bataillon, et le sergent René SENTENAC, auprès duquel j’étais dit « merde !... c’est BIGEARD », je lui demande pourquoi, il disait cela et il me dit : « en Indo, à la tête de mon groupe de vietnamiens, je donne l’assaut, et je vois mon adjoint terrorisé, ne pas me suivre, et tenter de refluer vers l’arrière, j’ai été obligé de lui tirer une balle dans la tête, car la panique aurait gagné mes autres hommes, et personne ne m’aurait suivi, et ça BIGEARD ne me le pardonnera jamais… » ;
*Par la suite, les nombreux témoignages de BRUNO, faisant part de la profonde estime qu’il lui portait, le démentir !
Le Lieutenant-colonel Marcel BIGEARD, car c’était bien lui, d’une voix forte commence sa harangue « Des paras qui crapahutent en casques !, qu’est-ce que ce régiment de gonzesses ! fichez moi ça en l’air », à peine avait il dit cela, que dans un hourra général, chacun sortit le béret que nous avions tous entre notre veste de treillis et la peau; puis BRUNO continua
« Vous allez percevoir 2 tenues camouflées, l’une des deux, interdiction de la mettre au combat, ce sera la tenue de sortie, et désormais plus de barbes, plus de moustaches, cheveux courts, plus de poils superflus ! »
Le Cdt. LENOIR, lui fait remarquer que la tenue camouflée en sortie n’est pas réglementaire, donc non autorisée, alors notre nouveau Patron nous adressant la parole à nouveau, dit « Si vous avez des problèmes avec la PM de la Région, vous leur déclinez courtoisement votre identité, et votre Unité… quand les motifs me parviendront, joignant le geste à la parole (ses deux mains déchirant avec colère un papier) j’en ferais ça !
Quelque temps après, ayant perçu nos tenues camouflées, après une marche forcée de 5O Kms, par une nuit noire intense,- nous marchions avec des pastilles phosphorescentes pour nous repérer, le Lt. TIGER de la 3ème Cie
( dirigée par le Lt. VOLQUEMANNE) se retourne à un moment, personne derrière lui…sa section l’avait perdu ) – nous allions quitter cette forêt de chêne-liège à l’aube, BRUNO et la « vieille » portant chacun un cartable très bourré, tous les deux la bouffarde à la bouche,
remontaient la colonne, et doublant celle-ci, arrivés à mon niveau, après que nous ayons entendu un coup de corne de berger, dit à son adjoint : « tu vois, comme en Indo, c’est le téléphone arabe qui fonctionne,
il va falloir que l’on trouve autre chose, on se fait trop repérer avec nos bérets rouges. »… cela devait aboutir à la fameuse casquette !
Décision prise, et quelques temps après, au rapport, par Cie., il nous est annoncé : « Vous allez percevoir 2 casquettes, mais pour certains si vous retournez dans le civil, vous pourrez les garder, elles vous appartiennent, mais nous vous demandons de payer la somme de 4,50 francs (franc de 1955). »
on sait pourquoi depuis… en effet BIGEARD, connaissant la lenteur administrative, et donc le temps qui serait apporté à l’exécution de sa commande des fameuses casquettes camouflées assorties à nos nouvelles tenues de combat, bousculant la voie hiérarchique habituelle, avait passé commande de cette coiffure directement à une filature du Nord; Cette Entreprise, une fois la commande exécutée et livrée, avait adressé la facture à BRUNO, qui la recevant, l’avait fait suivre à l’Intendance militaire; Celle-ci, la lui avait retournée avec un mot « vous n’avez pas suivi la voie hiérarchique…démerdez vous pour la payer ! ».
Philippe DAVID, le 18 septembre 2010