26 Février 1957 :
Typologie des terroristes d'Alger (Bataille d'Alger) :
L'intellectuel. - Un instituteur de 44 ans, marié et père de cinq enfants. Ancien élève de l'Ecole Normale. Il était chef de groupe et chargé du noyautage des intellectuels- "Je m'attendais, a-t-il dit, à être contacté un jour ou l'autre, sans savoir où, mais malgré tout je ne fréquentais plus que les grandes artères, rue Michelet, rue d'Isly.
"Début juillet, je fus abordé, place du Gouvernement, par un homme que je ne connaissais que pour l'avoir rencontré une fois dans un café... Il semblait avoir une assez solide instruction et de l'autorité. Il ne me fit pas de discours, mais me demanda seulement quand j'allais, moi aussi, me décider "à aider" . "J'ai répondu que je pouvais verser une cotisation mensuelle. Il ne me donna pas de rendez-vous, me dit simplement qu'il était tous les soirs sur la place du Gouvernement... Dans les dix jours qui suivirent, je lui versais ma première cotisation (2 500 francs)." ...Dans le courant du mois de juillet, Abdelkader me dit un jour qu'il m'allait falloir penser à ramasser, moi aussi, de l'argent pour lui remettre".
C'est ainsi qu'il devint collecteur de fonds: Et la menace qui pesait sur lui-même, il lui fallait s'en servir pour trouver des cotisations.
"Je n'ai jamais agi par conviction. Ma seule conviction c'est ma famille: ma femme, mes cinq enfants, ma fille malade. J'ai cru agir par sécurité, comme pendant la grève, quand je suis resté chez moi.
" Si vous me relâchez, je partirai en France avec ma famille. Je ne demanderai pas un poste d'instituteur. Je chercherai du travail me permettant d'élever ma famille. C'est tout."
Le commerçant. - Il a 28 ans. Il raconte : "Il y a six mois, le café situé au 3, place Rabbin-Bloch, appartenant à ma mère et où je travaillais fut mitraillé vers 21 heures. Peu avant, un jeune garçon était venu à deux reprises me rappeler que le F.L.N. interdisait de jouer aux cartes dans les cafés. Or, je laissais mes clients jouer afin de gagner ma vie.
"Un mois après, un homme est venu devant le café. Il m'a interpellé me disant qu'il voulait me parler. Je suis sorti avec lui et le suivis. Arrivés au coin de la rue, deux autres sont intervenus me menaçant chacun d'un pistolet. Ils m'ont bandé les yeux et me passèrent des menottes, puis ils m'ont dit de faire ma prière en disant qu'ils voulaient me tuer ..."
Dans une maison où il est emmené, on lui montre un insigne, celui de l'A.L.N., des pistolets, deux pistolets mitrailleurs, des grenades et des chargeurs. Il est séquestré, battu et obligé de manger du sel pendant une semaine.
"Ils disaient que j'étais un ami de la France parce que je buvais du vin, je ne faisais pas ma prière, parce que j'avais une maîtresse... "
On le relâche, avec menaces contre lui et sa famille s'il parle. Puis, on vient le chercher pour faire le guet pendant qu'un autre met le feu à une voiture dans un garage. Guetteur au cours de deux autres attentats, il devient tueur pour ne pas être tué.
"...L'attentat a eu lieu rue de Chartres, au début de l'après-midi. J'ai tiré une cartouche. L'homme a été blessé seulement. Comme je m'enfuyais, Rich a voulu tirer à son tour, mais son revolver n'a pas fonctionné. Quand Ladjarem m'a rejoint, il m'a frappé parce que j'avais raté mon coup..." L'homme est faible et terrorisé. II finira par dire: "Quel dommage que les parachutistes ne soient pas arrivés plus tôt, je n'aurais jamais été dans cette situation."
"L'ouvrier. - Celui-ci est peintre et a 22 ans. Il habite, avec sa jeune femme, chez ses parents. Il a un camarade d'enfance, fFamel, qui, un jour, lui apporte un pistolet et lui ordonne d'aller abattre un Européen à El-Biar. Il refuse. On menace, il accepte. Il rate son coup, rentre chez lui épouvanté et charge sa mère de camoufler son arme.
"Le voyou. - il était chef de cellule. C'est un joueur de "chik-chik " renommé. Son enfance s'est passée parmi les souteneurs, les filles, les voleurs, la pègre de Bab-el-Oued. Mauvais garçon, il est aussi mauvais fellagh. Sa cellule n'a jamais rendu. Il dénonce volontiers. Il a livré avec la même facilité ses armes."
Arrestation par la police de Lebjaoui Mohamed, chef de la willaya de france. Il a participé à la réunion de la Soumam, membre du CNRA, il prend la direction en france en décembre et est arrêté deux mois après, ce qui montre bien le niveau de pénétration de la police à cette époque. Libéré en 62, il reste en france et y meurt en 92.
Avec lui est arrêté son collègue Louanchi, kabyle, ancien chef des scouts musulmans, qui lui rejoindra Alger en 62 où il dirigera le quotidien " Le Peuple ".