Croissance démographique
Où va l'humanité ?
Voir la version intégraleEn dépit des apparences, l'explosion démographique est derrière nous. Après avoir presque quadruplé au XXe siècle, la population mondiale ne devrait plus croître que de moitié au XXIe siècle, atteignant huit milliards en 2025 et un peu plus de 9 milliards en 2050. Elle pourrait ensuite se stabiliser aux alentours de dix milliards.
Ces constatations ressortent des tableaux que vient de publier le PRB (
Population Reference Bureau, Washington), l'équivalent américain de l'INED (
Institut National d'Études démographiques, Paris). Vous pouvez télécharger ci-après le document intégral (version anglaise).
La baisse, jusqu'où ?
Dans l'ensemble, et malgré les apparences, l'explosion démographique et la crainte d'un trop-plein d'hommes sont derrière nous. Faut-il nous en réjouir ? Pouvons-nous espérer que cela nous conduise vers un monde stable, baignant dans la quiétude et le bonheur ?
Nous le pourrions si la baisse de la fécondité s'arrêtait au niveau où se renouvellent les générations, avec une moyenne de 2 enfants par femme
arrivant à l'âge adulte.
Ce palier est indispensable sur le long terme pour éviter la disparition d'une société humaine. Or, il est d'ores et déjà enfoncé dans la plupart des pays occidentaux, en Extrême-Orient et dans certaines régions du sud de l'Inde comme le Kerala.
Plusieurs pays d'Europe, le Japon ou encore Taiwan voient déjà leur population diminuer. L'immense Chine (un homme sur cinq) pourrait plafonner en 2050 à 1,4 milliards d'habitants, soit à peine plus qu'aujourd'hui.
C'est du jamais vu en temps de paix dans l'Histoire de l'humanité (*).
Entrevues par le grand démographe Alfred Sauvy, les conséquences humaines, sociales et politiques de l'
« hiver démographique » sont difficiles à mesurer : non-transmission des savoirs, étiolement des liens sociaux, inégalités croissantes, domination par la fraction la plus âgée et la plus conservatrice de la population, absence de perspective d'avenir, morosité et manque d'appétence pour la vie, prévalence de la rente sur le travail, préférence pour l'épargne spéculative au détriment de l'investissement productif... À quoi s'ajoutent les déséquilibres entre des pays pauvres et en expansion démographiques et des pays riches et déclinants.
L'« hiver démographique »
L'Histoire nous instruit sur les effets d'une
« déflation » démographique sans qu'il soit besoin de ressortir les poncifs sur la Grèce classique et l'empire romain.
Rappelons-nous simplement que les années les plus noires de l'Histoire européenne (1914-1945) ont coïncidé avec ses années de plus faible fécondité... Et que la fabuleuse embellie politique, économique et sociale dont a bénéficié le
Vieux continent de 1945 à 1973 était corrélée à une natalité exceptionnellement forte, en général proche d'une moyenne de 3 enfants par femme.
Notons enfin que l'explosion du chômage, à partir de 1973, a
suivi en Europe l'effondrement de la natalité. Ce paradoxe vient d'une simple réalité : l'envie de fonder une famille et de prolonger la chaîne des générations reste pour tous les hommes la plus efficace incitation au travail, à l'investissement et au progrès social.
Certains écologistes et le démographe Hervé Le Bras veulent néanmoins voir dans la baisse de la population un remède à la surexploitation de la planète. Mais la chose reste à démontrer car l'environnement naturel souffre davantage de notre mode de vie (étalement urbain, voiture, avion) que de la taille de nos familles. Une famille nombreuse en Afghanistan ou en Afrique gaspille beaucoup moins de ressources qu'un couple d'Européens sans enfant. Et dans nos pays riches, on peut penser que les parents en charge d'enfants sont plus motivés par la sauvegarde de l'environnement et les sacrifices qu'elle requiert que des personnes sans descendance, portées quoiqu'elles en disent par le précepte :
« Après nous le déluge ».
Mirage oriental
Dans les années 1970, les démographes ont été pris de court par l'évolution de l'Europe et de l'Extrême-Orient vers une fécondité régressive, de l'ordre de 1 à 1,8 enfants par femme alors qu'ils attendaient une stabilisation à l'équilibre (2,05 enfants par femme), au terme d'une hypothétique
« transition démographique » (*).
En ces années 2000, les démographes ont été doublement surpris par l'évolution des pays maghrébins. Ceux-ci connaissaient dans les années 1970 une fécondité exceptionnellement élevée (8 enfants par femme en Algérie).
Puis, dans les années 1980, plus rapidement qu'en aucune autre région du monde, elle a paru rejoindre les seuils occidentaux. Après cette première surprise, les démographes en ont eu une autre quand ils ont vu la fécondité des Maghrébines se redresser légèrement mais significativement à partir de 2005.
L'Algérie a redépassé le Maroc et culmine à 3 enfants par femme, la Tunisie et le Maroc semblent en voie de se stabiliser au-dessus de 2 enfants par femme.
Cela signifierait que le
« modèle » européen et extrême-oriental n'est pas l'avenir inéluctable de l'humanité... Et l'on peut se demander si les pays du Moyen-Orient ne sont pas appelés à connaître aussi un regain après une décrue brutale, à l'image du Maghreb.
Deux pays méritent notre attention :
- l'Arabie séoudite (30 millions d'habitants) a vu son indice de fécondité chuter en quinze ans de 6,4 à 2,9 enfants par femme, ce qui laisse augurer des remous sous la
burqua.
- l'Iran (80 millions d'habitants) a un indice de fécondité
« européen » (1,8 enfants par femme), preuve de sa grande proximité avec l'aire occidentale.
L' exception africaine
L'Afrique subsaharienne se démarque du reste du monde par la persistance d'une fécondité très élevée sur laquelle les coûteuses campagnes de planning familial des ONG et de l'ONU sont presque sans effet (4 à 7 enfants par femme
en moyenne, contre 1 à 2 dans le monde développé et 2 à 3 dans la plupart des autres pays).
Le Nigéria, torturé entre un Nord musulman et pauvre, voué à la
charia et à l'islamisme, et un Sud chrétien et animiste, riche de son pétrole, est la quintessence de l'Afrique. D'une superficie de 900 000 km2, il représente un cinquième de l'Afrique subsaharienne avec 180 millions d'habitants sur 900 (2014).
Sa fécondité moyenne a tout juste chuté de 6,5 à 5,6 enfants par femme entre 1970 et 2014. Avec plus de naissances annuelles que toute l'Europe (7 millions par an), il pourrait compter 400 millions d'habitants en 2050, soit presque autant que l'Union européenne sur une superficie grande comme la France et l'Espagne.
- Des indices de fécondité élevés et plutôt stables :
L'Afrique noire témoigne dans le détail de fortes disparités avec des écarts de fécondité de 1 à 2 entre les pays. La fécondité la moins élevée se situe en Afrique australe et orientale (Afrique du Sud : 2,3 enfants par femme, Kenya : 3,9 enfants par femme). Les plus élevés se rencontrent au Nord (Niger, 7,6 enfants par femme) et en Afrique centrale (Congo, 6,6 enfants par femme).
- La
« transition démographique » se fait attendre :
Dans les années 1990, les démographes s'attendaient à une décroissance rapide de la population africaine. En 2005, ils ont dû se résigner à reconnaître leur erreur et revoir leurs prévisions à la hausse ! Depuis lors, ils guettent les premiers signes de
« transition démographique » en Afrique mais n'en voient guère.
À cela des raisons culturelles : dans la plupart des sociétés africaines, en l'absence de propriété foncière et de cadastre, un chef de famille ne vaut que par le nombre de ses enfants. Il espère que, dans le nombre, il s'en trouvera au moins un pour devenir riche et assurer plus tard la subsistance du clan familial. En cas de nécessité, il peut louer ses garçons à des employeurs. Il peut aussi tirer profit de la cession de ses filles contre une dot. Le statut social de la femme est également lié à la taille de sa famille. Plus elle a d'enfants, plus elle est assurée d'être respectée et protégéee dans ses vieux jours.
Il faut compter aussi avec des raisons politiques : la population est une arme par défaut qui permet aux élites du continent de se faire entendre sur la scène mondiale.
Sauf surprise, la population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards d'hommes en 2050, soit un croît de 2,5 milliards en 35 ans.
Aujourd'hui peuplée de 950 millions d'habitants, l'Afrique subsaharienne devrait en compter à cette échéance plus de deux milliards, soit un croît de 1,1 milliard. Autrement dit, 40% de la croissance démographique à venir se tiendra dans cette région qui représente aujourd'hui à peine 14% de l'humanité (la population de l'Afrique va ainsi progresser de 120% et le reste du monde de 20%).
À la recherche d'un nouvel équilibre
Il est aujourd'hui légitime de s'interroger sur les déséquilibres à venir.
Songeons qu'il y a un siècle à peine, au temps de nos grands-parents, le
Vieux Continent, pas si vieux que ça, portait le quart de l'humanité et, avec ses antennes du Nouveau Monde (Amériques et Océanie), représentait 40% de l'humanité. Ses productions et ses innovations en tous genres assuraient au minimum les deux tiers de la richesse mondiale.
Rien d'étonnant donc à ce que l'Europe ait été portée à la démesure et vaincue par son
hubris. Avec bientôt une population à peine supérieure à celle du seul Nigéria, elle devra renoncer à sa prétention à incarner des
« valeurs universelles » et se contenter de préserver les intérêts et l'avenir de ses habitants, comme tout grand État qui se respecte.
Publié ou mis à jour le : 2015-09-26 18:13:52
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