Albert DOVECAR est né le 19 Juillet 1937 à Tuzno, petit village au Nord de l’ex- Yougoslavie (actuelle Croatie), situé à quelques dizaines de kilomètres de l’Autriche.
La famille DOVECAR fuyant le nouveau régime politique yougoslave immigre en Autriche pour s’installer à Graz, capitale de la Styrie.
Il grandit au sein d’une famille aisée entouré de ses deux sœurs Heidi et Monika et de son frère Peter. Il y reçoit une éducation bourgeoise. L’existence de la famille est perturbée par le divorce des parents.
Après des études effectuées sans enthousiasme, il décide de partir à l’aventure. On le retrouve en Suisse dans la modeste condition de serveur dans un restaurant. Il n’a pas 20 ans et cette situation manifestement ne convient pas au jeune homme.
Il quitte la Suisse pour gagner le Sud de la France. Sa destination ? Marseille, le Poste de recrutement de la Légion Etrangère.
Et c’est ainsi, alors qu’il n’a pas encore 20 ans, qu’il se présente au Fort Saint Nicolas le 01 Avril 1957. Son physique juvénile n’incite pas la sentinelle en faction à l’accueillir avec chaleur et sympathie.
Peu importe, il a décidé de s’engager dans la Légion Etrangère et il ira jusqu’au bout.
Il est désormais l’engagé volontaire Dovecar Albert.
Après 15 jours passés à Marseille, il embarque pour l’Algérie où il débarque à Oran le 15 Avril 1957. Après une nuit dans cette ville, il est dirigé avec l’ensemble des engagés volontaires vers Sidi-Bel-Abes . Dans le train qui le transporte il découvre la terre africaine qui l’a tant fait rêver.
L’instruction débute. Les orientations des engagés volontaires se décident. Il est musicien. Il joue du piano à la perfection. Son avenir est tout tracé. Après ses classes il intègrera la prestigieuse musique du 1er.Etranger.
Il n’en est rien. Car il veut être un soldat et il sera un soldat.
Au début, comme il le répétera souvent, c’était très dur. Il ne parlait pas le français, les coups pleuvaient à la moindre faute à la plus petite faiblesse. Pourtant il s’intègre, s’adapte, résiste.
« J’étais venu à la Légion pour trouver une maison, une famille. »
Il trouve ce qu’il était venu chercher.
Après six mois de classe, on demande des volontaires pour les parachutistes. Il se porte aussitôt volontaire et le voilà à la base aérienne de Blida où il obtient son brevet parachutiste le 18 Novembre 1957 (brevet numéro 132 494). Il est affecté au prestigieux 1er REP.
Lorsqu’il arrive au camp de Zéralda, le Régiment se trouve en opération dans le grand sud algérien en plein désert. Désigné pour intégrer la 1ère Compagnie, il rejoindra ses camarades durant les terribles combats de Guelma .La « bataille des frontières » au cours de laquelle le Lieutenant-Colonel Jeanpierre perdra la vie.
Affecté à la section de l’Adjudant Stuwe, Il découvre la guerre, voit ses premiers morts. Pourvoyeur au départ, c’est le lot de tous les nouveaux arrivants, il se fait rapidement remarquer par ses qualités de soldat et s’affirme très vite comme un excellent combattant. Très vite on lui retire son chargement de bandes de balles de AA 52, son fusil MAS 36 pour lui confier une MAT 49 .Il est désormais voltigeur et légionnaire à part entière.
A la fin des opérations de Guelma, Bobby, puisque tel est son surnom est décoré de la croix de la Valeur militaire et obtient sa première citation.
Durant 4 années, Il va vivre intensément la vie de son Régiment. Obtenir deux autres citations, une blessure au combat, retourner à la maison mère à Sidi-Bel-Abes pour effectuer le peloton des gradés afin de s’élever au grade de Sergent et devenir ainsi le plus jeune sous-officier du Régiment.
Il n’aura jamais la médaille militaire qu’il souhaitait ardemment. Les évènements en ont décidé autrement. Il va connaître toutes les aventures du 1er REP. Les Djebels, les embuscades, les camarades morts au combat ,le défilé du 14 Juillet sur les Champs-Elysées en 1958, les barricades, le Putsch… la dissolution de son Unité.
Le 24 Avril 1961, Il quitte son Régiment. Pour lui, ce n’est pas une désertion. Il le dira lors de son procès. S’il avait déserté, il aurait quitté l’Algérie et aurait regagné Graz et retrouvé sa mère Karoline ainsi que sa famille.
Pour lui, il continue le combat qu’il a entamé dès Guelma, pour que tous ses compagnons d’armes ne soient pas morts pour rien, pour que l’Algérie demeure un territoire français. Il rejoint le Lieutenant Degueldre.
Les Unités de combat de l’O.A.S sont constituées. Il sera le Chef du Commando Delta 1, fer de lance de toutes les forces combattantes de l’Organisation. Commando formé à une seule exception par des légionnaires du 1 REP.
Sous les ordres directs du Lieutenant Degueldre, le Sergent Dovecar va conduire les premières opérations commandos. Plasticages, missions d’escortes, de protections, de repérages.
Le Régiment est quelque part reconstitué.
L’Officier donne des ordres, le Sergent les exécute. On ne discute pas les ordres d’un chef et tout particulièrement à la Légion Etrangère.
Les premières ponctuelles sont exécutées.
Ainsi le 30 Mai 1961 le commando Delta 1 élimine le Commissaire Central d’Alger, particulièrement actif contre les membres de l’OAS et manifestement hostile à l’Algérie française comme il l’avait été auparavant pour le Maroc français.
Si l’opération a été bien montée et réalisée, ses suites seront désastreuses.
Alors que le commando s’est réfugié sur les hauteurs d’Alger, un des membres du groupe, un légionnaire allemand, désobéissant à ses ordres, quitte ses camarades et se rend en centre ville où dans un bar, la boisson aidant, dévoile toute l’affaire et le nom des participants. Divers renseignements parviennent aux services de lutte contre l’OAS. Le commando est repéré dans la villa cossue du Docteur Gauthier-Saliège.
Alors qu’il s’était absenté de la maison, celle–ci est entourée et prise d’assaut par les Gendarmes-Mobiles. Claude Tenne et Karl Pietri ouvrent le feu sur les forces de l’ordre,
alerté par le bruit de la fusillade rebrousse chemin alors qu’il arrivait à la villa en voiture.
Il se retrouve seul, traqué, isolé dans Alger. Il trouve refuge dans un immeuble situé dans le nord d’Alger, Rue Michel Duclos.
Il reconstitue son commando avec d’autres membres, anciens légionnaires allemands, italiens entre autres.Les missions reprennent. Plasticages, escortes des Chefs de l’Organisation. Ponctuelles. Mitraillages des locaux du FLN.
Tous les jours il est en contact avec son Chef Degueldre. « Là où il y a Delta, il y a Bobby »Encore et toujours des missions en cet été 1961. Le 11 Octobre 1961, le commando est repéré.
L’immeuble du 19 Rue Michel Duclos est encerclé, le quartier est bouclé. Respectant les ordres de Degueldre, le Sergent Dovecar s’est maintenu avec six autres membres de son commando au P.C des Delta alors même qu’il savait le lieu susceptible d’être découvert.
Certains membres veulent faire Camerone. Le Sergent Dovecar refuse. L’immeuble est habité et un stock trop important d’explosif est entreposé. Il donne des instructions pour que chacun puisse tenter de s’enfuir, tandis qu’il essaye de détruire un maximum de documents compromettant en les brûlant.
Un jeune membre du commando, un civil, se réfugie sur les toits. Il y sera interpellé par la suite. Les légionnaires s’échappent par le bas de l’immeuble. Certains parviennent à s’enfuir en bénéficiant de la complicité des employés de la Compagnie des Compteurs dont le siège se situe au rez de chaussée de l’immeuble. .
Pour d’autres c’est impossible. Malgré son état de fatigue, ses cheveux et sa moustache qu’il a laissés pousser, plus une blouse grise qu’il a endossé, il est reconnu par un commissaire de police qui le braque avec son arme, alors qu’il était sur le point de franchir le barrage des policiers au prétexte d’aller prendre un café pour la pose .
C’est fini…
Il est amené à la Caserne des Tagarins…De sinistre réputation pour les combattants de l’Algérie Française. Avec plusieurs membres de son commando, il sera torturé. Lui qui a connu Guelma, quatre années de combat dans les rangs des légionnaires parachutistes tente de se suicider. Après trois semaines d’interrogatoires ignobles, il est amené à Hussein Day en compagnie de certains membres de son commando.
Vingt quatre heures plus tard il quitte l’Algérie à bord d’un Nord Atlas, menotté et escorté par des gendarmes. A travers les hublots de l’avion, il aperçoit pour la dernière fois les lumières de la ville d’Alger.
Le 26 Mars 1961 débute en assises le procès d’Albert Dovecar.
Le Procureur de la République demande la mort.
Il répondra : « J’ai entendu demander la mort pour moi. Je demande au bon DIEU de me donner la force de ne pas baisser la tête à ce moment là » A l’issue des quatre jours de débats, le Sergent Dovecar est condamné à mort ainsi que Claude Piegts pour l’assassinat du Commissaire Central d’Alger. Il quitte la prison de la Santé pour être transféré à Fresnes.
Le 7 Juin 1962, Albert Dovecar est réveillé à 2 h 30 du matin. A 4 h 12, il est fusillé au fort militaire du Trou d’enfer avec son compagnon Claude Piegts.
Il repose désormais au cimetière Saint Pierre à Graz en Autriche.