DE SOURCE : LA REP INFO
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LOIRET > GIENNOIS > GIEN 24/04/15 - 06H00
[Portrait] Arthur Laloux : résistant, déporté, chevalie
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Arthur Laloux vit à Gien depuis 2006, ville où il est né et qu’il a souhaitée retrouver.? - photo a.-L. L. J.
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Pupille de l’État, Arthur Laloux a combattu durant la Deuxième Guerre mondiale, puis a constitué un groupe de résistants avant d’être déporté.
L'oeil rieur, la langue pendue et la mémoire intacte : Arthur Laloux, 96 ans, en paraît dix de moins. Assis sur son fauteuil en tissu, entouré des photos de sa famille et de ses objets fétiches, le vieil homme remonte le cours de son histoire. Demain, il recevra la médaille de chevalier de la Légion d'honneur, la reconnaissance d'une vie ponctuée d'engagements ; d'un itinéraire digne d'un roman, dans lequel le héros sait rester humble.
Sur le front, résistant puis déporté
Tout commence à Gien, en octobre 1918. Arthur Laloux voit le jour « sur les quais de Loire ». Ses parents se séparent, son père obtient sa garde. De cette époque, le futur médaillé se souvient de son grand-père, batelier, et « des tonnes de poisson qu'il fournissait aux habitants ».
À 6 ans, son père l'abandonne et le confie à l'assistance publique, à Paris. Arthur Laloux devient pupille de l'État en 1924. Six mois plus tard, de retour dans le Loiret, il est traîné de familles en familles, à Ormes, La Ferté-Saint-Aubin, Tavers. Élevé tantôt à la dure, tantôt dans la tendresse, il restera en contact avec plusieurs de ses « mères nourrices » et de ses « demi-frères et demi-s'urs ».
À l'école, il est le premier de la classe. « Alors vous comprenez, je n'étais pas bien vu par les copains », lance-t-il en riant. Il obtient son certificat d'études. Seulement, le travail scolaire au long cours n'est pas à l'ordre du jour. À 13 ans, déjà, celui qui aime « la nature et les plantes » travaille comme jardinier chez des particuliers, à Lion-en-Sullias et Sully-sur-Loire.
Puis arrive le mois de mars 1939. « La patrie m'a appelé », dit-il, solennellement. Affecté dans l'infanterie, il part au front, dans le nord de la France. Depuis, le vieil homme garde une cicatrice, celle d'une balle reçue à l'avant-bras.
Évacué puis réformé pour cause de maladie, Arthur Laloux constitue un petit groupe de résistants dans la région de Beaugency, « avec des copains, précise-t-il. J'avais une grande gueule, ils m'avaient nommé chef ! » Arrêté en 1941, il est condamné à trois ans de travaux forcés pour cause de « favoriser la fuite d'espions, juifs et étrangers ».
Le résistant arrive dans un camp de travail à Essen (Allemagne), à bord d'un wagon de marchandises. Il se souvient des soldats attachés autour du véhicule « pour empêcher les gens de se sauver ». Dans le camp de travail où il est déporté, il est entouré de Français mais aussi de prisonniers allemands désobéissants, « des gens chics », avec lesquels il se lie d'amitié et qu'il n'a « pas oubliés ». Le 11 avril 1945, le camp est libéré par les Américains qui « se plaisaient à foutre la trouille aux Allemands ».
Rencontre avec De Gaulle
Arthur Laloux rejoint alors Paris par ses propres moyens, affaibli – il ne pèse qu'une trentaine de kilos – mais volontaire, avant d'être pris en charge par la Croix-Rouge à Orléans. « C'était une drôle de vie », dit le nonagénaire, se remémorant ces années de guerre ; pas beaucoup plus difficile, cependant, que celle d'enfant de l'assistance publique : « Vous savez, ça n'a pas toujours été bien avant », avoue-t-il.
Après cette période sombre, le natif de Gien rencontre sa femme, Marie, décédée en 2002. De leur union naissent quatre filles et deux garçons, entre 1947 et 1954. Lui, l'enfant de la campagne, rejoint son épouse à Paris et reprend son travail de jardinier chez des particuliers « haut placés », mais aussi aux entreprises Vilmorin, aux jardins des Tuileries, et même à l'Élysée.
« Un honneur,
une reconnaissance, une fierté »
Une fois, il rencontre le général De Gaulle. Lorsqu'il évoque cet échange, le vieil homme a le sourire aux lèvres : « Un jour, j'étais en train de bricoler. Derrière moi, je vois le grand bonhomme marcher, droit comme un peuplier. Il m'interpelle : "Alors jardinier !". Je ne savais pas quoi dire. Mais on s'est assis sur un banc, on a parlé un peu ».
En parallèle, Arthur Laloux devient le premier guide et gardien du Mémorial des Martyrs de la Déportation, à Paris, et fait partie du noyau dur de l'Union nationale des déportés et internés de la Résistance. Fervent catholique, il se syndique également au sein de la confédération française des travailleurs chrétiens. « D'aussi loin que je me souvienne, papa s'est toujours engagé, de diverses façons », souligne l'une de ses filles, Bernadette.
Pour elle, la Légion d'honneur que va recevoir son père est « un honneur, une fierté, une reconnaissance, à un moment où beaucoup l'obtiennent sans que l'on sache vraiment pourquoi ». Catherine, la benjamine de la fratrie, en a fait la demande dès 2004. « Rien n'avait été fait avant car notre père est humble et discret », précisent ses filles.
Depuis, onze ans se sont écoulés. Ainsi, Arthur Laloux, revenu à Gien en 2006, peine à se réjouir de cet honneur tardif : « Ça me fait mal au ventre », dit-il, amer. Ses enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants, eux, se réjouissent que l'injustice soit enfin réparée.
Portrait : Anne-Laure Le Jan
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Photo Anne-Laure Le Jan
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