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 Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes .

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Commandoair40
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MessageSujet: Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes .   Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Icon_minitimeMer Fév 11 2015, 16:49

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Touzet10
Touzet du Vigier en 1918

Extrait du Mémoire de MASTER II Phénomène Guerrier de M. Vincent DUPONT sur le Général Touzet du Vigier soutenu en 2009 à l’Université de Picardie Jules Verne.

La Première Guerre mondiale consacra la fin de la cavalerie à cheval.

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Insign10

Mais avant cette fin inéluctable les cavaliers assurèrent leur fonction sur le champ de bataille sans faillir.

L’un d’eux fut le sous-lieutenant (futur général) Touzet du Vigier, du 9e régiment de cuirassiers qui accomplit avec sa section une reconnaissance derrière les lignes allemandes durant l’été 1914.

Cette reconnaissance allait entrer dans les annales de l’histoire de la cavalerie comme un exemple d’audace, de mobilité, de rapidité, de surprise, en un mot d’esprit cavalier pour reprendre les propos du général Weygand et c’est ce récit que nous allons tenter de vous rapporter tout en analysant ce qu’il apporte à l’étude de la cavalerie.

Après avoir pénétré en Belgique au sein du corps de cavalerie Sordet et y avoir mené sa mission, le 9ème régiment de cuirassiers est appelé à couvrir le flanc gauche de la 6ème armée française qui, depuis le 7 septembre, affronte les Ière et IIème Armée allemande sur la Marne.

Les armées allemandes stoppées, la cavalerie aurait dû les poursuivre dans leur repli or cette dernière était épuisée par ses mouvements depuis un mois, ce qui révéla les limites de cette arme d’ailleurs, dans les missions que la guerre moderne imposait. Les éléments encore « valides » furent donc employés au mieux, c'est-à-dire à des reconnaissances pour retrouver un adversaire qui avait subitement disparu.

Le 11 septembre, le régiment se porte donc en direction du nord, à l’attaque de troupes signalées à Verberie et Compiègne sans pouvoir les atteindre.

Le 12, le régiment traverse l’Oise à la Croix St-Ouen après avoir traversé la forêt de Compiègne. Le régiment a une fois de plus beaucoup souffert de la pluie et de la fatigue.

C’est alors que la 6e armée, afin de définir où en est la retraite allemande, décide d’envoyer plusieurs reconnaissances de cavalerie vers le nord et le nord-est et le sous-lieutenant Touzet du Vigier reçoit la mission de l’une d’elle.

Il rédigea un rapport à son retour qui, nous l’avons dit précédemment, sera publié plus tard sous le titre de « récit des cinq jours de reconnaissance ».

Ce récit permet d’observer une mission type de cavalerie sur le terrain, la reconnaissance, mais également des cavaliers au crépuscule de leur arme, la relation à leur monture et il constitue avant tout un témoignage de qualité sur le début de la guerre.

Tout d’abord Du Vigier rassemble ses hommes alors qu’il ne connaît pas encore sa mission : le maréchal des logis Lebas, le brigadier Couturier, les cavaliers Disseaux, Deprez, Deschamps, Charlet et son ordonnance Dumaine. Il part de Vauxelles où était cantonné le 9e régiment de cuirassiers, pour Villers-Cotterêts.

En chemin vers le QG de la VIe Armée, il double les troupes françaises à la poursuite des armées allemandes en repli et trouve les traces de la courte occupation allemande. Son trajet permet de découvrir également une perception du brusque repli allemand et des combats récents : « La route […] ne manque pas de pittoresque avec ses fossés remplis de sacs allemands, d’armes, de bouteilles et aussi, aux carrefours et sur les crêtes, de tumulus tout frais surmontés de petites croix en bois encore bien blanc. ».

A Cœuvres, il retrouve un camarade du 8e Hussards qui a reçu un ordre identique au sien mais qui n’en sais pas plus. Il semble comme nous l’avons vu plus haut, que la 6e armée en manque de cavalerie a besoin de cinq reconnaissances qui seront fournies par la 3e division de cavalerie.

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Cuir10
Cuirassier en tenue de campagne - 1914

Le lendemain 13 septembre, du Vigier se présente au QG d’Ambleny pour demander des informations concernant sa mission, sans plus de succès que la veille. Il prépare alors au mieux sa reconnaissance, faisant referrer les sabots de ses chevaux, vérifier les armes et compléter l’approvisionnement en munitions et en vivres. Surtout il donne du repos à ses hommes qui en ont grand besoin, ainsi qu’aux chevaux, qui sont pansés et soignés. Vers quatorze heures, la mission est enfin définie : « Reconnaître les forces allemandes au sud de l’Oise et rechercher leurs lignes de retraite. Eclairer sur les mouvements ennemis au nord de l’Oise ».

Les cinq reconnaissances devront être dirigées en éventail.

De Ambleny, elles devront respectivement aller vers Vendeuil, Ham, Roye, Lassigny et Bessons. Du Vigier prendra la tête de celle dirigée plein nord suivant l’axe Trosly-Loire – Chauny – Vendeuil. Les seules informations dont disposait le haut-commandement jusqu’alors étaient que depuis la veille, les français éprouvaient une certaine difficulté à déboucher sur le plateau au-delà de l’Aisne, sans avoir plus de renseignements. Il faut tout d’abord franchir l’Aisne, mais les ponts ont presque tous été détruits par les Allemands.

Selon les dernières informations, le pont de Vic tient toujours et les unités françaises auraient atteint Morsain mais ces renseignements devaient en premier lieu être vérifiés. Puis, au son du canon, la reconnaissance gagne la ligne de front pour constater que Morsain est l’objet de rudes combats et n’est donc pas libre de passage. Tout passage au nord semble compromis et l’on constate déjà sur le terrain l’arrêt de la retraite allemande. De retour à Vic, du Vigier et un autre chef de patrouille échafaudent un plan afin de franchir les lignes adversaires. Du Vigier privilégie alors le passage de nuit, ce qu’il exécute dans la nuit du 13 au 14.

En pleine nuit donc, du Vigier se remet en marche au nord de Vic.

Son récit nous montre également un aspect fatigant, froid voire sanglant des combats de 1914 : « A un carrefour, à la sortie de Vic, je me fais indiquer ma direction par un habitant. Il me montre à quelques pas de là une mare de sang : c’est une marmite qui a tué deux malheureux africains et un mulet la veille après-midi. Il fait un froid pénible, une petite pluie nous transperce et je ne veux pas trotter car il me faut ménager les forces de mes pauvres chevaux, dont j’aurai sans doute besoin de tout à l’heure. ». Plus loin, vers Bitry, il décrit encore un spectacle désolant :

« Je passe entre un bivouac d’infanterie et un autre de spahis. Les pauvres gens enveloppés dans leurs grands manteaux rouges, transis par ce brouillard pénétrant et les pieds dans une boue épaisse, sont navrants à voir. ».

Du Vigier réussit cependant à faire franchir les lignes allemandes à ses hommes, suivant les précautions qu’il leur expose : « Je les préviens qu’on tirera sans doute sur nous mais que si on reste bien dispersé, on n’a que peu à craindre de ces coups de feu ; enfin je leur demande d’avoir toujours les yeux sur moi et de me suivre dans la direction que je prendrai. ».

Il poursuit sa mission vers le nord-est en prenant bien soin d’éviter la grande route de Noyon.

En effet cette route est alors une artère pour les troupes allemandes dans le secteur et il peut déjà observer des mouvements de troupes mais également recevoir quelques coups de carabine de la part de cyclistes en patrouille. Comme à de nombreuses reprises dans cette reconnaissance, il doit prendre le galop et gagner des bois pour éviter ce genre d’incidents dès qu’ils se présentent, afin d’assurer la réussite de la mission, bien que cela fatigue les chevaux un peu plus à chaque fois.

Ce premier incident se solde par la perte d’un cheval et par voie de conséquence de son cavalier.

La reconnaissance est entamée dès le premier jour et il s’avère dès lors nécessaire d’évoluer dans les bois pour la sécurité du groupe. Cela permet cependant de faire souffler les chevaux, nécessité qui est très présente dans le récit. Mais la rencontre avec les cyclistes allemands a révélé la présence du peloton de cuirassiers et quand ce dernier essaie de sortir du bois, c’est pour constater qu’une colonne de fantassins s’avance vers la lisière pour en faire sortir ses occupants.

Les fantassins approchent en tirailleurs et du Vigier rapporte l’épisode : « un officier marche quelques pas devant eux, le revolver au poing. Quand il n’est plus qu’à soixante-quinze mètres de moi, il s’arrête et regarde, puis repart. Peut-être a-t-il vu un reflet sur une cuirasse ? Il ne faut pas lui laisser le temps de préciser ses soupçons. Je me précipite en avant, au galop, en criant : Chargez ! Mes hommes n’ont pas été longs à me suivre et certes nous avons obtenu l’effet de surprise préconisé par les règlements, car nous sommes sur les fantassins avant qu’aucun d’eux, officier compris, n’ait eu l’idée de tirer sur nous !

Je n’ai pas le temps de pointer du sabre, car il me faut m’orienter.

Je laisse mes hommes détendre leurs nerfs en sabrant au passage et je cherche un abri. » Du Vigier a réussi de prendre de vitesse cette colonne que lui et ses hommes dépassent rapidement puis se dérobent à leur feu. Des cavaliers et des cyclistes les pourchassent également et « le salut est dans les bois » une fois de plus, pour que les poursuivants perdent leur trace. Malheureusement cette charge a encore diminué l’effectif de la reconnaissance : un homme, tombé de son cheval, est porté manquant et un autre est blessé.

Ce dernier est soigné mais les nécessités de la mission imposent de l’abandonner et l’on peut voir dans le récit de du Vigier la culpabilité de laisser ainsi une fois de plus, l’un de ses hommes, qui plus est blessé, ce qui laisse entrevoir l’attachement qu’il a pour eux : « Je fais étendre Lebas sur une couverture et l’installe contre sa selle, puis je lui applique son paquet de pansement sur sa blessure : une balle dans les muscles de la cuisse.

Je lui laisse un peu d’alcool de menthe à boire et suis obligé de l’abandonner.

C’est pour moi une minute très pénible de quitter ce brave garçon si dévoué et si courageux. Plusieurs fois de suite, j’ai regretté, dans des moments difficiles, de ne plus l’avoir à mes côtés pour m’aider et me faciliter la besogne ; et puis, en une heure de temps, j’avais perdu mes deux gradés et mon meilleur cavalier. »

Dès lors, du Vigier pense que n’ayant plus que quatre cavaliers pour accomplir sa mission, celle-ci semble compromise :

« J’eus une seconde la tentation de renoncer à poursuivre ma route et de rentrer dans nos lignes en profitant des bois, mais je ne voulais pas que les pertes subies jusqu’ici l’aient été en pure perte et, quand je quittais Lebas, j’étais plus résolu que jamais à aller aussi loin que possible. ».

La mission se poursuit donc par Caisnes, où de loin, du Vigier peut observer le passage d’une division de cavalerie : « Ce défilé dura vingt bonnes minutes et me frappa par son bon ordre et son silence.

Pas de traînards.

Je tremblais qu’une patrouille ne vienne fouiller ma retraite ou qu’un de mes chevaux ne se mette à hennir ». Puis la reconnaissance se dirige vers la forêt de Carlepont au sud de Noyon afin de s’y dissimuler, toujours sous le feu lointain de patrouilles. Encore une fois à l’abri dans les bois, du Vigier confirme la maxime « qui veut aller loin ménage sa monture » et rapporte dans son récit comment il prend soin des siennes : « dans cette immense forêt, j’ai le temps de faire manger hommes et chevaux […].
D’ailleurs, toutes ces galopades ont épuisé mes pauvres chevaux et creusé l’appétit de mes hommes.

Je donne à tous une heure de repos bien gagné. »

Puis la reconnaissance repart, dans la direction de Tergnier, important nœud routier qui permettrait de rassembler des renseignements sur les mouvements ennemis. L’avantage pour du Vigier qui vient d’être caserné depuis près d’un an à Noyon est de connaître les meilleurs points d’observations de la vallée de l’Oise. Mais il doit d’abord trouver un passage pour la franchir.

Il recueille des informations sur la présence allemande dans le secteur, quels ponts sont détruits ou pas et en observant la route Noyon-Cuts, il continue de rassembler des renseignements pour sa mission : « […] je suis encore obligé de m’arrêter, car un convoi passe toujours, allant vers Cuts.

Dès maintenant je suis fixé : certes non !

Des gens qui se font amener tant de matériel, n’ont pas envie de se replier ! Je réfléchis à la possibilité de faire parvenir ce renseignement, mais devant les difficultés que rencontrerait mon estafette et compte tenu des pertes qui m’ont réduit mon effectif, j’y renonce. »

Il va ainsi surveiller les colonnes allemandes qui défilent toute la journée puis il repart, à la nuit tombée, avec ses hommes.

Ils font prisonnier un pontonnier qui augmente leur somme de renseignement, notamment sur les ponts encore en état – mais gardés – pour passer l’Oise : Pontoise-lès-Noyon, Quierzy et Chauny, les autres ayant été détruits par les Anglais au mois d’août. Du Vigier et ses hommes ainsi que leur prisonnier passent par Pontoise puis Varesnes jusque Brétigny pour voir si le passage est praticable mais il ne l’est pas.

Le passage à guet est laborieux et la berge boueuse, une jument s’y épuise et cela réduit l’effectif de la reconnaissance à 4 cavaliers. Encore une fois, on peut observer du Vigier très proche de ses hommes, et en particulier de son ordonnance, qui est donc sans monture : « C’est le cœur très serré que j’abandonne ce brave garçon qui était à mon service depuis un an et qui m’était très dévoué. Je lui souhaite bonne chance ». Reste maintenant à franchir le canal au pont d’Apilly qui n’est heureusement pas gardé.

Des automobiles passent sur la route Noyon-Chauny et du Vigier choisit de quitter au plus vite les grands axes vers Mondescourt. Un cheval est embourbé et laissé dans un fossé. En attendant que des paysans viennent le chercher, un des cavaliers les suit à pied avec ses armes. Ils trouvent une ferme où se reposer et se ravitailler, ce qui est un souci constant, en particulier pour les chevaux qui passent avant les cavaliers.

Mais il livre également son opinion quant à la réussite sa reconnaissance :

« Après des soins aux chevaux et un léger repas, nous nous étendons tous les quatre aux pieds de nos chevaux. […] nous nous endormons aussitôt, tant toutes ces émotions nous ont brisés de fatigue. Une heure et demie après, au petit jour, à cinq heures et demie donc, je suis réveillé par le retour de mon pauvre cheval. On le bouchonne et on se rendort. J’étais au bout de ma première journée de reconnaissance et j’avais perdu la moitié de mon effectif total. Quant aux chevaux qui me restaient, quel effort pouvais-je encore leur demander ? »

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Charge10
Charge de Conchy-les-pots

Le lendemain matin, 15 septembre, ils se remettent en marche vers le nord, par Crépigny et Caillouël. Béthancourt étant occupée par des Allemands effectuant des réquisitions, la reconnaissance contourne par Guivry, Commenchon et Ugny. Il peut ainsi atteindre une des côtes qu’il s’était fixées comme poste d’observation dominant Chauny : La Rue de Caumont. Puis il gagne une seconde côte, au sud du bois de Frières, par Villequier-Aumont, cette côte permettant d’observer à la jumelle tant Tergnier que Chauny.

A l’approche de Viry-Noureuil, un épisode cocasse se produit : un cavalier allemand est repéré avec son cheval qui s’est détaché. Pensant à remonter un de ses cavaliers dont la monture est fourbue, du Vigier va subtiliser celle du factionnaire et va rejoindre ses hommes restés à couvert.

La rencontre de jeunes paysans va encore alimenter sa source de renseignements :

« leur père a circulé un peu dans la région et ils sont à même de me renseigner sur Chauny, Laon, La Fère, Tergnier, Riez et Vendeuil. Ils m’apprennent que le pont du chemin de fer de Saint-Quentin, sur le canal de Montescourt, n’a pas été rétabli par les Allemands et que les convois qui arrivent à Chauny y parviennent par voie de terre.

Ils n’ont pas vu beaucoup de troupes actives, mais énormément de blessés.

De plus, ils m’indiquent dans le lointain, au nord de Vouel, un centre d’aviation allemand qui est, paraît-il, gardé très sérieusement. Le matin même, on a tiré de là avec un canon spécial sur un avion français. » Pour du Vigier dès lors, « Le but a été atteint, il faut maintenant rapporter le renseignement. Mon intention est de regagner, le soir même, par le cheminement de la matinée, la région de Noyon et d’y passer le pont le lendemain à l’aube, car sans doute la brigade d’infanterie française que j’ai vue à Moulin-sous-Touvent aura atteint son objectif quarante-huit heures après que je l’ai dépassé. »

Mais avant d’entreprendre le retour, les hommes prennent soin de faire manger et boire les chevaux, encore une fois, et ils sont aidés en cela par les habitants d’un hameau qui leurs procurent également de quoi les nourrir. Puis la reconnaissance se remet en marche, par le même chemin qu’à l’aller, ponctuée de rencontres sur les routes avec des automobiles dont les occupants tirent quelques coups de feu. Mais tout comme à l’aller, ces fuites nécessitent de partir se cacher au galop, ce qui une fois de plus épuise les chevaux.

Les patrouilles se multiplient dans la région de Chauny et du Vigier en fait le constat : « ma seule route de retour est coupée et ma présence est connue dans la région. »

Leur armement est trop faible pour forcer les barrages, il faut donc passer en se cachant dans chaque taillis, dans chaque bois. Arrivant aux Hézettes, sur la commune de Guivry, une patrouille les attend et la troupe est obligée de faire demi-tour au galop et de se cacher jusqu’à la nuit dans la forêt.

Dans la nuit du 15 au 16 septembre, du Vigier et ses hommes cherchent à contourner le hameau des Hézettes où ils sont été reçus par des salves d’infanterie. Ils continuent leur chemin sous bois et se reposent ainsi que leurs montures durant trois heures. Ils reprennent leur chemin vers Guivry, la population leur indiquant le départ des Allemands dans la nuit. Ils gagnent ensuite Beaugies pour descendre vers le sud, et repasser l’Oise, reste à définir où ?

En restant à couvert des bois par Mondescourt, du Vigier peut envisager passer au gué de Pont-à-la-Fosse et il opte pour cette solution. Une grange leur permet de se reposer deux heures et de répondre au souci constant de nourrir et panser les chevaux. Ce repos permet également à du Vigier d’élaborer un plan pour refranchir l’Oise, car il apprend que le passage de Pont-à-la-Fosse a été découvert et est désormais gardé. Il ne reste donc plus qu’à prendre la direction de Noyon que les troupes françaises ont sans doute atteint ou de contourner la ville pour passer à Pont-L’Evêque. Le cap est donc mis au sud-ouest et la reconnaissance part pour Grandrû et Béhéricourt, parallèlement à la grande route Noyon-Chauny, mais il semble que les troupes françaises n’ont pas encore repris les ponts de Varesnes et Pont-l’Evêque.

Du Vigier prend donc la décision de quitter la région et de se diriger vers Lassigny-Thiescourt, à l’ouest de Noyon, où le passage pourrait être plus facile. Par la forêt toujours, ses hommes et lui contournent Noyon par le nord, mais il leur faut attendre la nuit tombée pour éviter le flux des convois venant du nord. En attendant, réalisant bien que leurs cuirasses n’ont qu’une utilité, celle de les faire repérer au loin, il dote ses hommes de tenues moins voyantes :

« tombés sur des équipements abandonnés par les troupes anglaises, je trouve un imperméable tout neuf qui me protégera de la pluie et évitera les malencontreux reflets de soleil ou de lune sur ma cuirasse. Je résous ce même problème pour mes hommes, en leur faisant enfiler leurs sacs à distribution préalablement troués pour le passage de la tête et des bras. »

Après une nuit passée dans les bois, la route de Noyon est franchie et la route reprend par Crisolles où les habitants leur procurent du pain mais leur indiquent aussi l’arrivée d’une trentaine de cavaliers allemands ; du Vigier et ses hommes réussissent à se dissimuler puis reprennent la route de Rimbercourt et gagnent Muirancourt.

D’après les renseignements qu’ils recueillent, des patrouilles auraient été vues vers le sud, du Vigier doit donc envisager de prendre un chemin encore plus au nord, par Fretoy et Beaulieu, avec des chevaux fatigués et une pluie qui ne s’arrête pas. A Ecuvilly, la troupe fait une halte pour déjeuner et l’homme qui les accueille leur apporte des renseignements en plus :

« Le brave homme qui me sert a logé chez lui, il y a vingt-quatre heures, un officier allemand qui prétendait arriver de Lunéville et rejoindre Compiègne dans quarante-huit heures. Il était passé une colonne interminable toute la journée du 15, plusieurs milliers d’hommes certainement, de toutes les armes. Le château de Frétoy était transformé en ambulance où étaient soignés de nombreux blessés allemands venus du sud à la suite d’un combat acharné. Toute la région était sillonnée de patrouilles et d’autos militaires. Enfin, il me signala un poste de cavaliers (quatre ou cinq) qui était installé au Moulin de Candor, pour garder un dépôt de munitions d’artillerie enfoui au pied du moulin ».

Du Vigier et ses cuirassiers reprennent leur route vers Candor.

Ils y apprennent que Lassigny est occupée, et donc qu’ils doivent aller encore au nord pour pouvoir redescendre sur Compiègne et enfin espérer pouvoir passer l’Oise. Mais arrivé à Canny-sur-Matz, ils apprennent que cette route est également fermée et la reconnaissance échoue à Crapeaumesnil, au nord. La situation semble bouchée, d’autant que les chevaux ne sont plus en état de continuer depuis longtemps :

« Mes chevaux refusent d’avancer, il faut absolument les soigner si je veux qu’ils nous portent jusqu’à Compiègne.Le maire me reçoit fort bien et m’aide à installer mes chevaux. […] Il m’apprend, à ma grande stupéfaction, que le 9e Cuirassiers, notre régiment, a cantonné dans son village trois jours auparavant et que depuis, à part quelques patrouilles, il n’a pas vu d’allemands.
Roye, d’après lui est libre et certainement la grande route de Roye à Compiègne ne doit pas être trop dangereuse. »

La reconnaissance peut donc s’engager sur Compiègne, qui plus est avec un cheval frais du 9e cuirassiers qui avait été laissé au maire trois jours plus tôt pour maladie.

Le lendemain, après quelques heures de sommeil, les cuirassiers reprennent leur route par Beauvaignes et empruntent la route de Compiègne à Conchy-les-Pots. Alors que les habitants leur disent que les Allemands sont à Lassigny et Ressons-sur-Matz, ils croisent la route de deux éclaireurs qui se dépêchent de faire demi-tour.

La suite est contée par du Vigier lui-même :

« A ce moment, je vois encore une fois la porte fermée à mes renseignements par ces maudits petits hussards allemands. Mes trois hommes sont aussi excédés que moi et, avec un bel ensemble nous partons au galop et nous regagnons du terrain sur nos deux allemands. Brusquement, en haut de la côte, la rue est barrée par tout un peloton allemand, arrêté au carrefour qui forme le centre du village. Les deux éclaireurs reviennent sur lui en criant.

Nous sommes à peine à cent mètre d’eux, brandissant nos sabres et, hurlant comme des forcenés. L’officier allemand essaye d’enrayer la panique qui s’est emparée de son peloton et décharge de loin son revolver sur nous, puis, voyant que nous ne nous laissons pas intimider par ces coups de feu inefficaces, il laisse aller les choses et nous poussons, à quatre, devant nous, tout le peloton qui fuit en désordre au galop, sur le pavé. La vue de tous ces dos de lâches nous anime encore davantage. Nos braves chevaux donnent tout ce qu’ils peuvent et gagnent peu à peu du terrain.

Je prends mon revolver et tire dans le tas mes six coups.

Un cheval s’effondre avec son cavalier. Nous sommes maintenant sortis du village, mais le troupeau continue de fuir droit devant lui sur la route. Nous sommes alors au milieu même du peloton et nous travaillons de notre mieux, tout en poussant nos chevaux, à larder de coups de pointe tous ces dos que la terreur fait se courber.».  

Dans la poursuite, du Vigier tombe de cheval tandis que ses hommes continuent la poursuite mais l’ayant vu tomber, ceux-ci reviennent et se mettent à couvert, au cas ou les cavaliers seraient revenus, ce que pense du Vigier :

« Je ne puis croire que ces hussards allemands, après avoir vu qu’ils n’avaient affaire qu’à quatre hommes, soient assez lâches pour ne pas revenir à l’attaque, une fois repris en main !

C’est pourtant ce qui arrive. »

Du Vigier n’a alors plus de cheval et les Allemands pouvant revenir, il ne reste qu’une solution selon lui : « Partir à pied par deux, à quart d’heure d’intervalle, en civil.

Je sais par les habitants que les Français ne sont pas loin et que Compiègne est toujours à nous : ce sera au maximum quinze kilomètres à faire, donc trois ou quatre heures de marche. »

Tout l’équipement est enfoui et les cuirassiers transformés en cultivateurs. Avec les cachets officiels de la mairie, des laissez-passer pour Compiègne sont fabriqués tandis que les égratignures sont pansées. Puis une patrouille du 8e hussards arrive dans le village et les cultivateurs de quelques heures redeviennent des cuirassiers.

Du Vigier récupère un cheval allemand et sa reconnaissance peut enfin rejoindre les lignes françaises. Il va faire son rapport au général Maunoury au poste de commandement de la VIe armée à Croutoy, près de Vic-sur-Aisne puis regagne son escadron.

Pour cette reconnaissance, le sous-lieutenant du Vigier reçoit une citation à l’ordre de l’armée :

« A fait une reconnaissance de plusieurs jours au milieu des lignes ennemies et a fait preuve à cette occasion de beaucoup d’entrain et d’endurance et de coup d’œil. N’a pas hésité à courir sus à des détachements ennemis supérieurs au sien pour prendre des chevaux destinés à remplacer les siens trop fatigués. »

Après cette reconnaissance mouvementée, du Vigier regagne donc son régiment le 21.


Ce dernier, comme nous l’avons vu dans le récit, a suivi pour ainsi dire la reconnaissance, puisqu’au 14 septembre, il cantonne à Crapeaumesnil puis attaque Noyon par la route de Roye avant de se replier. Dans les jours qui suivent, le régiment est au repos puis la division dans son ensemble fait une pointe vers le nord et cantonne à Parvillers le 24 septembre, village que la brigade de cuirassiers doit tenir toute la journée du lendemain devant les assauts allemands avant de se replier sur Arvillers.

Déjà l’on observe que la ligne de front s’installe et la cavalerie est obligée de tenir par elle-même les points qu’elle avait atteints en avant. N’ayant pas les moyens d’accomplir ce genre de mission, elle doit se replier le plus souvent. Des détachements sont de plus constitués pour creuser des tranchées avec les autres corps de la division les 26 et 27 septembre.

La guerre des tranchées s’installe et c’est également le début de la course à la mer pour la cavalerie déjà exténuée.

Sans un seul jour de repos, le régiment se porte le 28 sur Boves puis le lendemain sur Acheux et Louvencourt entre Doullens et Albert.

Le 30, la poursuite continue en direction d’Arras à Achicourt et Neuville-Witasse où le régiment prend une formation de combat à pied et cantonne à Vimy au nord d’Arras. Le 1er octobre, du Vigier est promu lieutenant au sein du 4e escadron et prend la direction des passages de la Scarpe à l’est d’Arras, où son escadron doit défendre la lisière est et nord-ouest de Fampoux.

Le lendemain, le régiment marche en direction de Lens et prend position à Liévin pour attendre l’ennemi qui a pris Lens et marche sur Liévin.

Les escadrons du 9e cuirassiers y résistent durant toute la journée du 4 sous les bombardements puis décroche dans la nuit sur Neuville Saint-Vaast. Jusqu’au 7, le régiment est en réserve à la disposition de la 10e division qui défend le nord-est de Lens mais les Allemands redoublent leurs attaques et le 9e cuirassiers doit monter en ligne pour la défense des ponts le 9.

Les Allemands ayant installé des mitrailleuses, les tranchées sont prises en enfilade et le régiment peut se replier sur Haisnes grâce au brouillard. Une position défensive est organisée sur Annequin plus à l’ouest ainsi que des tranchées. Le 11 octobre, c’est le secteur de Locon que la 4e brigade de cuirassiers doit mettre en défense et tenir jusqu’à l’arrivée des anglais.

Ces derniers arrivés, la brigade est rassemblée et se dirige vers Carvin.

Dès lors, la « course vers la mer » est terminée pour le 9e cuirassiers qui n’a plus tous ses chevaux depuis quelques semaines déjà et le régiment suit, en position de réserve, les mouvements des divisions d’infanterie dans la région à l’ouest puis au nord de Béthune jusqu’au 20 octobre.

Le 21 le régiment reçoit l’ordre d’aller occuper les tranchées entre une division anglaise à Grand Riez et un bataillon de chasseurs alpins à La Joierie.

Le 22 octobre, le régiment est réduit à 179 sabres et 18 officiers. La situation est critique et le régiment quitte donc le corps de cavalerie pour être placé à la disposition du 20e corps d’armée et cantonne à Annezin près de Béthune.

Nous venons de voir comment en ce tout début de guerre, la cavalerie a montré ses limites.

Du Vigier porta un jugement à ce sujet : « cette fatigue […] n’était pas la conséquence de l’âpreté des combats, mais seulement celle de la longueur des interminables marches et contremarches, effectuées sans but précis, par les fortes chaleurs du mois d’août, dans le terrain difficile des Ardennes Belges. Pour ne pas avoir été assez ménagée quand la chose était possible, la cavalerie s’est trouvée « usée » quand il devint urgent de la faire agir. »

Pour lui, la cavalerie avait donc été en premier victime de sa mauvaise utilisation et cela eu des conséquences sur la valeur combattive de ces unités dont on avait besoin par la suite, au début de l’année 1915.

Selon lui, si le corps de cavalerie avait été mieux employé, la ligne de front n’aurait pas été installée du nord au sud mais de l’ouest à l’est. Mais la triste réalité pour un cavalier comme lui était visible : « le combat à cheval, à l’arme blanche, était dorénavant devenu incompatible avec la guerre de tranchée ».

Dès lors la cavalerie serait cantonnée à des missions de police à l’arrière des lignes, de service aux tranchées ou de colmatage des brèches faites par l’ennemi puis sera « démontée » à partir de 1916.

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Reconn10
Carte de la reconnaissance

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Genera10

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . 1996631456  Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . 1996631456


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Sicut-Aquila

Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . 908920120 Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Cocoye10 Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . 908920120

« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage.
La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure.
Être un homme et le demeurer toujours,
Quelles que soient les circonstances,
Ne pas faiblir, ne pas tomber,
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Papa schulz
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Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Empty
MessageSujet: Re: Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes .   Cinq jours de reconnaissance derrière les lignes allemandes . Icon_minitimeMer Fév 11 2015, 19:52



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merci JP

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Dans une guerre, ce qui se passe, ce n'est jamais ce qu'on avait prévu. Alors ce qui compte, c'est d'avoir le moral !
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