Le campement où s’est tenue la réunion de la katiba Jund Al Khilafah pour faire allégeance à Daech a été découvert par les unités de l’ANP, dans la soirée de mardi, dans le massif montagneux de Aït Ouabane, à Iboudrarène, à moins d’un kilomètre du lieu du rapt du ressortissant français Hervé Gourdel. Des obus Hawn, des produits alimentaires, un téléphone portable avec des photos de terroristes, des effets personnels de ces derniers, indiquent la précipitation avec laquelle le groupe a pris la fuite, probablement au moment où les unités de l’ANP entamaient l’opération de recherche de l’otage.
Un millier d’hommes, parmi lesquels une unité de para-commando appuyée par l’artillerie et utilisant des équipements de reconnaissance à infrarouge et de détection thermique, sont déployés depuis l’enlèvement du ressortissant français Hervé Gourdel, dans la région d’Iboudrarène, notamment dans la forêt d’Aït Ouabane, en Kabylie. Objectif : déloger la quarantaine de terroristes qui ont pris ce massif comme refuge. Premier résultat : la découverte du campement où le groupe avait filmé sa réunion d’allégeance à Daech. Nous avons tenté de faire le chemin d’Hervé Gourdel, avant qu’il ne soit enlevé à hauteur de ce bassin, où les entrailles du mont Lala Khedidja déversent une eau limpide. Durant ce long chemin que nous avons traversé entourés par les paras, en tenue de camouflage, nous apprendrons que les militaires ont identifié les cinq terroristes qui avaient tué l’otage français.
L’égorgeur, également mufti de l’organisation, est un cinquantenaire algérois, qui cumule des années dans les rangs des criminels. Leur chef, Gourdi natif de Si Mustapha, à Boumerdès, avait quitté la prison, après avoir purgé sa peine de 5 années pour activité terroriste. Dans l’enregistrement vidéo montrant une réunion d’allégeance à Daech, il n’apparaît pas. Cependant, trois éléments qui avaient participé à l’enlèvement et à la décapitation y sont présents. Les terroristes identifiés, en majorité natifs de Boumerdès et Bouira, sont âgés entre 20 et 54 ans. Les services de sécurité ont utilisé les moyens les plus modernes en matière d’identification.
Des équipements qui peuvent reconnaître l’empreinte de la pupille des personnes enturbannées, mais également la reconnaissance de la voix de ceux qui parlent et dont on ne voit pas le visage. En tout, 32 éléments apparents ont été identifiés. Sur les lieux du campement, des obus Hawn, des produits alimentaires, une cuisine et quelques effets personnels des terroristes ont été trouvés. Visiblement, ces derniers sont venus de trois régions pour prendre part à la réunion et «déguster» une vache rôtie sur un feu de braises. Néanmoins, ils semblent avoir quitté les lieux hâtivement en n’emportant que le strict minimum. «Peut-être lorsqu’ils ont vu de loin l’arrivée des militaires, à la suite de l’enlèvement de Gourdel, ils ont pris la fuite. Ils n’ont pas pour habitude d’abandonner autant de provisions alimentaires, d’ustensiles, de chaussures, de médicaments, etc., si ce n’était pas une affaire de survie. Ils se sont dispersés rapidement», explique le commandant du secteur opérationnel de Tizi Ouzou, qui nous a accompagné dans ce voyage sur les traces de la katiba Jund Al Khilafah.
Jusqu’à aujourd’hui, aucune nouvelle quant au corps de l’otage français. «Nous n’avons que la version donnée par les cinq accompagnateurs de Gourdel. Nous savons que les terroristes les ont interceptés devant le bassin à mi-chemin du campement des terroristes, sur une piste de montagne, non fréquentée. Pour l’instant, nous n’écartons aucune piste et tout sera fait pour neutraliser le groupe et retrouver le corps de Gourdel», a déclaré le chef de l’état-major de la 1re Région militaire, qui dirige l’opération sur place, depuis deux semaines. Il révèle que tous les moyens nécessaires «ont été mis à notre disposition, par le commandement de l’état-major de l’ANP, pour en finir définitivement avec ces criminels».
La justice n’a pas étendu l’enquête…
Après l’enquête préliminaire menée par les services de la Gendarmerie nationale, l’affaire de l’assassinat du touriste français Hervé Gourdel, le 24 septembre dernier, par un groupe terroriste dénommé Jund Al Khilafah ayant prêté allégeance à l’organisation Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), est entre les mains de la justice, a confié hier le chargé de la communication de la Gendarmerie nationale, le lieutenant colonel Kerroud. Hormis la mise sous contrôle judiciaire décidée par le juge chargé de l’affaire contre les cinq compagnons d’Hervé Gourdel, rien de nouveau, sauf les faits connus de tous, à savoir que le Français a été enlevé puis exécuté par un groupe terroriste dont l’émir est Abdelmalek Gouri, ancien bras droit de Abdelmalek Droukdel, chef d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI).
Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, a annoncé que les ravisseurs ont été identifiés et l’enquête serait encore à ce stade. La justice algérienne a-t-elle étendu l’enquête à l’étranger, en France plus précisément ? Notre source indique qu’il y a des procédures qu’impliquent les conventions qui régissent les rapports en la matière entre les deux pays. A sa connaissance, il n’y a rien de tout cela. Sur le terrain par contre, les services de sécurité qui ont déclenché une vaste opération de ratissage et de recherche des éléments de Jund Al Khilafah, auteur de l’exécution effroyable d’Hervé Gourdel, continuent à traquer le groupe terroriste dans la région.
L’Armée nationale populaire (ANP) a mobilisé ses troupes pour venir à bout des terroristes qui écument la région de Kabylie. Des informations répercutées par certains titres de la presse nationale ont fait état, la semaine dernière, d’un violent accrochage près de Tikjda, entre les services de sécurité et un groupe terroriste. On n’en connaît pas l’issue, encore moins le bilan. (S. R.)