"LES OUBLIES DE L'HISTOIRE"
Voici comment Jouhaud raconte une action de l'O.A.S. :
Nous savions que des négociations avaient lieu, mais ignorions si un accord interviendrait. Cet accord éventuel, il fallait le rendre inopérant en montrant au F .L.N .que la France était incapable de faire respecter une décision prise contre le gré des Européens.
C'est ainsi que je décidais de faire bombarder le camp F .L.N. d'Oujda. A proximité de cette ville, sur le territoire du Maroc, ami de la France de surcroît, se trouvait stationné l'état-major de la willaya 5, au camp "Ben-Mhidi ", du nom d'un leader F.L.N. mort en détention en 1957. Ce camp abritait, non seulement le commandement fellagha qui coordonnait la lutte terroriste en Oranie, mais aussi un camp d'entraînement et un parc de ravitaillement. Sans souci de sa dignité et de sa défense, la France acceptait d'entretenir les meilleures relations avec le Maroc, de lui fournir des crédits et de tolérer en même temps le stationnement de hors-la-loi à notre frontière. Mais grande était notre naïveté, ce n'étaient plus des rebelles, mais des alliés dans la lutte contre les Français d'Algérie.
Nous ne pouvions opérer que par bombardement aérien. Je fus d'abord séduit par la proposition qui fut faite à Guillaume, par la base aéronavale de Lartigues, près d'Oran, de mettre deux bombardiers Neptune à notre disposition, donc de pouvoir déverser environ dix tonnes d'explosif sur le repaire F.L.N. Je donnai mon accord à Guillaume, qui fut chargé de régler les détails de l'opération. Malheureusement son étude révéla des difficultés, en particulier la récupération d'équipages trop nombreux. Et, de surcroît, l'officier responsable du vol venait de se rendre suspect à la Sécurité navale.
Je me retournais vers l'armée de l'Air. Sur la base de La Sénia, existait un centre opérationnel de réservistes, engagé normalement, et avec beaucoup d'efficacité, contre les rebelles depuis sa création.
Composé d'officiers et de sous-officiers de réserve, ce centre effectuait des missions de combat, comme toute unité opérationnelle. Il était armé d'avions T 6, à la puissance de feu réduite, mitrailleuses et roquettes, mais non négligeable. Le personnel accepta la mission avec enthousiasme et il fallut tirer au sort les deux équipages qui auraient à opérer . Le raid fut prévu pour le dimanche 18 février. Au matin, le sous-lieutenant Hoerner et le sergent Raucoules décollaient de La Sénia, pour une mission de routine. Ils mettaient le cap sur le camp qu'ils survolaient et attaquaient à onze heures, aux roquettes Tl et à la mitrailleuse, avec plein succès. A une certaine distance de là, un dépôt important de munitions aurait pu sauter.
C'est ce que nous fit savoir, par la suite, notre capitaine Clément qui avait omis de nous donner l'objectif principal. Ainsi Clément nous avait renseigné, mais très incomplètement. Revenant en rase-mottes, nos deux aviateurs se posèrent au terrain de Nazreg, à dix kilomètres de Saïda où les attendait le commandant Guillaume qui, avec son sang-froid habituel, les ramena à Oran, bénéficiant du reste du concours de l'O.A.S. de Saïda. Et le lendemain, nous sablions le champagne avec ces deux hommes courageux et quelques officiers du C.E.R. La joie était dans l'air, car l'exploit était extraordinaire. Parfaitement exécuté, il montrait que l'O.A.S. était capable de mener toute action et, ce jour-là, l'organisation dite "subversive" remplaça les forces aériennes loyalistes, clouées au sol sur ordre.
Hoerner et Raucoules sont deux noms qui ne seront jamais oubliés dans le combat que nous menions et, si le sort les favorisa en les désignant, ils ne marquèrent aucune hésitation, au dernier moment, pour accomplir leur retentissante prouesse. Le raid eut un écho profond dans la population européenne et musulmane, surtout chez cette dernière. L'"Ouasse" montrait sa force, sa détermination, son courage, son audace et aucun Musulman n'est insensible à ces qualités fondamentales.
Je prenais la parole à la T.V. pour exalter les qualités morales de mes deux aviateurs et assurer mes camarades de mon affectueuse reconnaissance.
Copié dans "Ô mon pays perdu",
Fayard 1969 ISBN 35-05-5094-01
___________________________________ ____________________________________Aokas
14ème RCP - 9ème RCP
AFN
194658