Solitude (suite)Chiffres clésSouffrir de la solitude, c’est quand on ne manque à personne, c’est avoir la sensation de disparaître aux yeux du monde.
Cela touche des personnes de tous les âges et de toutes les catégories sociales.
L’étude de la Fondation de France pour la première fois apporte des chiffres concrets sur l’étendue du phénomène.
Etude de la Fondation de FranceCette étude pionnière sur le sujet a été réalisée auprès de 4000 personnes âgées de 18 ans et plus selon la méthode de quotas (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, territoire). Les données de l’enquête de la Fondation de France publiée en juillet 2010 font frémir.
4 millions de personnes en France souffriraient de solitude, soit 9% de la population nationale. Pas de liens amicaux, familiaux ni amoureux, ni de relations de voisinage. 11% des Français se considèrent comme « seuls ». 1 Français sur 10 a moins de 3 conversations personnelles par an.
La solitude ne doit pas être ressentie comme un mal bénin. 5% des Français en souffrent véritablement, du fait d’une impossibilité de communiquer, de tisser des liens avec autrui, de partager des émotions. En conséquent, les personnes seules éprouvent en plus souvent le sentiment d’inutilité, de culpabilité, de détresse, de dégout de soi, ce qui débouchera parfois par des pulsions suicidaires. 2 millions de personnes ressentent la solitude comme une souffrance aigue. La difficulté est de sortir de cette situation d’isolement. Ainsi, 80% des personnes isolées le sont depuis longtemps. L’engrenage est tel que ces personnes ont du mal à se projeter, à s’en sortir. Et plus le temps passe, plus cela devient compliqué.
Une solitude qui touche tous les âgesIl serait faux de considérer la solitude comme un mal qui touche uniquement les personnes âgées. S’il est vrai que les personnes de plus de 75 ans répondent à hauteur de 16% être en état de solitude, les plus jeunes aussi ne sont pas épargnés désormais.
9% de la population âgée de 40 à 49 ans se trouve en état d’isolement objectif, c’est-à-dire sans aucun lien social (familial, amoureux, amical, professionnel). Parmi les 4 millions de Français qui ressentent la solitude, 1 million a moins de 50 ans et 2 millions moins de 60 ans.
Il s’agit là de données tout à fait préoccupantes, puisque les séniors arriveraient mieux à faire le deuil de leur vie sociale. Pour ce qui est des 40-60 ans, la solitude s’accompagne souvent d’une grande détresse. Odile de Laurence, responsable de l’Observatoire de la Fondation de France, tire la sonnette d’alarme : « La grande majorité de ces personnes a perdu contact avec son entourage suite à une rupture familiale ou à la perte de son travail, pour la plupart il y a déjà plusieurs années. Et beaucoup vivent dans la précarité. Cet isolement touche autant les citadins que les ruraux, et cela dès l’âge de 40 ans. Quand ces résultats sont sortis, nous avons pris un coup de massue sur la tête. Il faut absolument réagir. »
Une perte des liens sociaux à tous les niveaux19% des Français n’ont pas de relations amicales régulières, c’est-à-dire qu’ils ne sont amenés à rencontrer leurs amis ou à échanger avec eux à distance, que deux à trois fois par an. 9% des Français déclarent n’avoir aucun ami.
Les liens familiaux aussi se réduisent. 33% des Français ne rencontrent pas les membres de leur famille au-delà de quelque fois dans l’année. Les liens professionnels sont difficiles à tisser : 20% des Français estiment qu’il ne leur est pas possible de développer une relation amicale au travail, c’es-à-dire que dans le cadre de leur travail, il ne leur arrive jamais de d’aborder d’autres sujets que le travail. 1 Français sur 2 n’entretient aucune relation de voisinage.
Pour 56% des Français, l’isolement objectif est associé à une rupture familiale (divorce, décès du conjoint, départ des enfants). Ensuite, la perte d’emploi, un déménagement, un changement dans la vie professionnelle affecte aussi profondément le réseau social. 14 % des personnes associent leur isolement à la perte de leur emploi.
Une inégalité face à l’isolementLes personnes ayant un revenu faible sont plus facilement touchées par la situation d’isolement. Les personnes dont le revenu est inférieur à 1000 euros ont 4 fois plus de chances d’être en situation d’isolement objectif. Il a été établi, grâce à l’enquête, que la corrélation entre pauvreté et isolement est forte, de même qu’entre capital social et capital économique.
Les catégories les plus touchées par l’isolement et la solitude sont les personnes âgées seules et dépendantes, les foyers monoparentaux précaires suite au départ des enfants, les couples « repliés » qui n’ont pas développé de liens autres que celui du conjoint, les personnes malades, les personnes en situation de handicap, les travailleurs pauvres et les travailleurs indépendants.
Un fait important que l’enquête souligne est la très faible disparité du point de vue géographique. Les personnes se sentent aussi seules en ville qu’en campagne.
Si l’isolement objectif se définit comme une absence de contact social réelle, 11% de la population français se dit en état d’isolement bien que disposant d’importants liens sociaux.
Bien des Français peuvent avoir un travail, des amis, un partenaire de vie et se sentir seuls pour autant. La plupart d’entre eux s’accorderont à dire qu’il s’agit là d’un phénomène en aggravation. Il apparaît évident que le phénomène de solitude semble bien plus étendu qu’il n’en paraît.
Une réaction des autorités semblait opportune face à ce mal contemporain. Ainsi, la lutte contre la solitude a obtenu le label Grande cause nationale 2011.
Qu’est ce que le label Grande cause nationale ? Le Premier ministre François Fillon a attribué le label de Grande Cause nationale pour 2011 au collectif d’associations « Pas de solitude dans une France fraternelle », constitué autour de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Ce label permet à des organismes à but non lucratif, souhaitant organiser des campagnes faisant appel à la générosité publique, d’obtenir des diffusions gratuites sur les radios et les télévisions publiques.
Les nombreuses associations humanitaires et caritatives, de tous horizons et de toutes sensibilités, rassemblées dans le collectif « Pas de solitude dans une France fraternelle« , apportent avec leurs salariés et leurs bénévoles, aide et réconfort à nos concitoyens qui souffrent de solitude.
Solitude : mal des sociétés contemporaines encore méconnuÀ la fois symptôme et cause du morcellement des sociétés modernes, trop souvent méconnue, la solitude frappe les populations les plus diverses. Ce mal social, qui touche aujourd’hui plusieurs millions de personnes, est considéré par une très large majorité de Français comme un véritable enjeu de société. La solitude est un facteur de marginalisation et de pauvreté ; elle porte directement atteinte aux valeurs de solidarité qui fondent notre pacte social.
En soutenant par leurs dons le collectif « Pas de solitude dans une France fraternelle« , nos concitoyens vont pouvoir encourager les actions engagées contre cette souffrance du quotidien, qui prospère trop souvent dans le silence et l’indifférence. Leur aide pourra aussi se prolonger par un engagement citoyen au service des plus fragiles.
Associations partenaires de la Société de Saint-Vincent-de-Paul De nombreuses associations collaboreront avec la Société Saint-Vincent-de-Paul, au total une vingtaine, pour la plupart à caractère religieux : Associations Familiales Catholiques, Jeunesse Indépendante Chrétienne, Fédération de l’Entraide Protestante, Secours Islamique, etc.
Se joindront au programme l’Association Nationale des Visiteurs de Prison, la CCIC-Unesco, le Centre Français de Radio et Télévision, la Fédération de la Banque Alimentaire, SOS Amitié et bien d’autres encore.
Paroles de SOS AmitiéSi l’association SOS Amitié se réjouit de ce statut obtenu pour la lutte contre la solitude, elle s’inquiète aussi du nombre toujours croissant d’appels de personnes en détresse. Les 1800 bénévoles que compte l’association sont submergés par les appels et ne sont plus en mesure de répondre correctement à chacune des personnes qui éprouvent le besoin de parler. Daniel Boissaye, président de l’association, parle en ces termes : « En 2009, 25 % des 727 000 appels que nous avons reçus avaient pour motif principal la solitude. Les coups de fil pour cette raison progressent plus vite que la moyenne de nos appels. Ils ont augmenté de 54 % par rapport à 2000 !
Nous sommes de plus en plus sollicités par des personnes qui, n’arrivant pas à surmonter leurs problèmes matériels, souffrent également d’isolement. Mais le sentiment de solitude ne se résume pas à des problèmes ¬matériels. De plus en plus de Français intégrés dans la société, ayant une famille et un travail, nous contactent car ils ressentent ce malaise et ne parviennent pas à en parler à leur entourage. »
L’avis SequoviaUne question inéluctable vient à la fin d’un si triste constat : comment en est-on arrivé jusque là ? Paradoxalement, notre société qui tisse de plus en plus de liens sociaux virtuels se trouve aussi de plus en plus confrontée à un grave problème communicationnel. Il n’est aujourd’hui pas rare de voir des couples au restaurant ou au café qui ne se parlent pas car accrochés au téléphone. Il n’est pas non plus surprenant de voir tous les voyageurs dans les rames de métro tapotant leur téléphone frénétiquement sans prêter la moindre attention à leur environnement immédiat. On finirait presque par oublier dans quel monde on vit : virtuel ou réel.
Effectivement, il semble qu’à mesure que le virtuel prend de l’ampleur, les relations sociales réelles sont rendues plus difficiles. Gros fardeau que ces nouvelles technologies nous imposent : réapprendre à communiquer.
Regarder un tant soit peu autour de soi, sortir de son individualisme, écouter les gens, voilà ce qu’il nous reste à faire pour embellir notre quotidien souvent morose et détruire cette gangrène de solitude qui ronge notre société. Mais il s’agit sûrement là d’une utopie.