La nuit du 15 aurait pu être l'occasion pour les Japonais de tenter de repousser les Américains à la mer. Toutefois, Saito pensait que le débarquement était peut-être une mesure de diversion. Il n'ordonna que des attaques mineures car il voulait sauvegarder ses forces en cas d'attaque américaine à Magicienne Bay.
A 20h00, une importante force d'infanterie appuyée par des tanks attaqua le flanc gauche des la 2
e Division de Marines. Les Marines purent bénéficier de l'illumination offerte par les fusées éclairantes lancées par la flotte et repoussèrent l'attaque. Une autre attaque lancée à 3h00 fut également repoussée. Peu avant le jour, une nouvelle attaque japonaise eut lieu et fut cette fois repoussée avec l'aide des tanks.
L'attaque de Saipan était donc, à l'aube de ce second jour, un échec partiel, les Marines n'ayant pas atteint les 2/3 de leurs objectifs premiers, et la tête de pont sur la plage était encore bien fragile et toujours sous le feu de l'artillerie.
Le général Holland Smith savait qu'une bataille allait avoir bientôt lieu entre la 5
e Flotte et la Force Mobile japonaise et qu'il perdrait alors la protection de la Flotte et de ses avions. Il voulait donc débarquer le plus vite possible le maximum d'hommes et de matériel. Le soir du 16 juin, la 27
e Division d'Infanterie commandée par le général Ralph C. Smith (à ne pas confondre avec Holland Smith qui chapeautait toute l'opération) avait débarqué à Saipan. Sa mission était de prendre l'aéroport de Aslito et d'isoler les japonais dans la partie sud-est de l'île. Pendant ce temps, les Marines devaient poursuivre leur avance.
Le 16 juin vers midi, la localité de Charan Kanoa fut nettoyée. Cette victoire locale permit aux Américains de progresser plus profondément vers l'intérieur.
Les servants d'un canon de 37 mm pendant la bataille. A noter les impacts de balle sur la plaque avant du canon
Une puissante contre-attaque japonaise fut lancée à partir de Garapan dans la nuit du 16 au 17 juin. Elle comprenait 40 chars du 9
e régiment blindé et le 136
e régiment d'infanterie. Au lever du soleil les japonais survivants se replièrent sur Garapan.
Le 17 juin, les combats reprirent dans les marécages situés autour du lac Susupe. En soirée, une attaque aérienne réussit à endommager deux navires américains, dont le porte-avions d'escorte
Fanshaw Bay qui durent se retirer.
Entre-temps, comme Smith l'avait pressenti, la 5
e Flotte s'était éloignée pour combattre la Force Mobile au cours de la bataille de la mer des Philippines du 19 au 21 juin. Après cette bataille perdue par les japonais, Saipan ne pourrait plus compter sur aucun soutien.
Le 18 juin, les japonais avaient abandonné la défense des plages et avaient déplacé leurs défenses vers les hauteurs de l'île. Sans possibilité de renfort, la situation des défenseurs de l'île était désespérée, mais les japonais étaient déterminés à se battre jusqu'au bout. Saito organisa ses troupes selon une ligne de défense sur le mont Tapotchau.
Le 18 juin également, la 27
e avait pris l'aérodrome d'Aslito, Holland Smith voulut alors prendre le mont Tapotchau. Alors que la 4
e Division de Marine avançait le long du flanc est du mont, et la 4
e Division de Marine le long du flanc ouest, la 27
e Division d'infanterie s'attaquait au mont lui-même.
Cependant, après deux jours de combat, la 27
e Division d'infanterie avait fait peu de progrès, et l'offensive prenait, au fur et à mesure de l'avancée des Marines, la forme d'un "U", les Marines étant de plus en plus exposés à une attaque de flanc.
Des Marines font sauter une caverne sur Saipan
Pendant ces deux jours, la 2
e Division de Marines avait perdu 333 hommes, la 27
e Division d'infanterie 277 hommes, et la 4
e Division de Marines 812 hommes. L'artillerie et les tanks américains étaient généralement inutiles dans ces combats de jungle, et le support aérien quasiment inexistant, du fait de la bataille de la mer des Philippines. Les japonais utilisèrent notamment les multiples cavernes pour se cacher la nuit et opérer des sorties le jour. Les américains développèrent peu à peu une tactique pour nettoyer les cavernes, à base d'artillerie et de lance-flamme. Les surnoms que les Marines donnèrent aux différents points de l'île donnent une idée de la dureté des combats: "
Hell's Pocket", "
Purple Heart Ridge" et "
Death Valley".
Le 25 juin, Holland Smith décida que les mauvaises performances de la 27
e Division d'infanterie étaient dues à son commandement, et réussit à faire relever Ralph Smith. La relève de Ralph Smith ne changea pas grand chose au sort de la bataille, mais cet incident fut la cause de frictions entre l'Armée et le Corps des Marines.
Le 5 juillet, le mont Tapotchau était pris et les américains continuèrent à avancer vers le nord de l'île. Le 7 juillet, Saito donna l'ordre à ses hommes restants de lancer une contre-attaque massive et se suicida après ce dernier ordre. 3 000 soldats japonais lancèrent alors une charge suicide.
Les "
parleurs de code" Navajo
Ils n'étaient armés que de grenades et de baïonnettes, mais ils réussirent à percer les lignes de la 27
e Division d'Infanterie dont ils détruisirent deux bataillons et ne furent arrêtés que par les Marines. Holland Smith fut alors persuadé que la 27
e Division était incompétente et la mit en réserve.
Le 8 juillet, la résistance japonaise se mit à faiblir. Acculés au nord de l'île, de nombreux japonais (soldats et civils) se suicidèrent en se jetant sur les rochers de Marpi Point.
Le 9 juillet, la 4
e Division de Marines atteignit la pointe nord de l'île et Smith pût déclarer que toute résistance organisée avait cessé sur l'île. 24 000 soldats japonais étaient morts, et 1 780 avaient été capturés. Les américains avaient perdu 3 426 hommes et 13 099 étaient blessés, un taux de perte de 25% des hommes engagés.
L'île était sécurisée, mais le capitaine Sakeo Oba continua à résister dans les montagnes avec 16 hommes et ne se rendit qu'en décembre 1945.
Incidemment, les "
parleurs de code" (
Code Talkers) Navajo jouèrent un certain rôle à Saipan, notamment en dirigeant le feu des bâtiments de support vers les positions japonaises. Un film réalisé en 2002,
Windtalkers, décrit la bataille de Saipan (les scènes de Saipan ayant été tournées essentiellement à Hawaii.
Les civils
Des civils de Saipan qui se sont suicidés en sautant des falaises
Un Marine sort un bébé vivant d'une caverne remplie de cadavres
Le 22 juin, le gouverneur de Saipan avait reçu un message du Palais Impérial l'informant que tout civil qui mourrait en se battant contre les Américains se verrait accorder les mêmes privilèges après leur mort que les soldats morts pour l'empereur.
Saipan était la première île envahie par les Américains qui comptait un nombre important d'habitants civils.
La propagande japonaise avait présenté à ces populations les Américains comme des monstres, et les bombardements et les durs combats n'étaient pas de nature à les faire changer d'opinion.
Des 22 000 civils à Saipan, des milliers combattirent les Américains, et participèrent à la charge suicide du 7 juillet.
Au fur et à mesure que les américains avançaient, les civils qui ne combattaient pas fuyaient. Lorsque les Américains atteignirent le nord de l'île, des milliers de civils, hommes femmes et enfants se trouvèrent bloqués par les falaises qui dominaient la mer.
Plutôt que de se rendre aux Américains, des milliers se suicidèrent alors en sautant du haut des falaises. Des interprètes réussirent à en dissuader, mais on estime que 8 000 civils se suicidèrent en sautant de lieux qui portent maintenant les noms de
Suicide Cliff et
Banzai Cliff.
Les suites de la batailles
Le 20 juillet, après des travaux intensifs, l'aérodrome de Aslito devenait Isley Field et recevait son premier avion américain. À partir de septembre 1944, des B-24 commençaient à mener des missions sur les îles Bonin. Un second aérodrome fut construit pour les B-29 et le premier raid de B-29 sur Truk eut lieu en octobre 1944. Saipan ne servit pas seulement de base aérienne (ce rôle était en fait celui de Tinian, mais devint une importante base navale, particulièrement pour les sous-marins qui iraient opérer dans les eaux japonaises.
Destinée à être une base importante pour les opérations futures dans les Mariannes et pour la bataille du golfe de Leyte et l'invasion des Philippines qui auraient lieu en octobre 1944, l'invasion de Saipan était une étape nécessaire vers la défaite du Japon.
Après la chute de Saipan, le premier ministre japonais, Hideko Tojo, déclara que le pays faisait face à une crise importante. Tojo et son cabinet de guerre démissionna dans les semaines qui suivirent. Cette démission fut une étape importante, puisque jusque là, les militaires tenaient totalement le gouvernement. À partir de ce moment, le parti de l'opposition qui voulait la fin de la guerre augmenta peu à peu sa présence dans le gouvernement et parvint peu à peu à convaincre l'empereur que la reddition était la seule voie possible.
Dispositif Japonais
DésignationCommandantEffectifs
31e Armée | Général Hideyoshi Obata | Staff de 1 100 hommes |
43e Division, composée des 118e, 135e et 13e régiments d'infanterie | général Yoshitsugu Saito, commandant des troupes | 13 000 hommes |
47e Brigade Indépendant Mixte | Colonel Yoshiro Oka | 2 600 hommes et 22 pièces d'artillerie |
3e Régiment d'artillerie de Montagne | | 24 canons |
9e Régiment Blindé | | 36 tanks moyens et 12 petits tanks |
5e Force de base | | 6 000 marins |
total: | | 31 000 hommes |
Dispositif allié
DésignationCommandantEffectifs
Flotte du Pacifique | amiral Chester Nimitz | |
5e Flotte | amiral Raymond Spruance à bord du CA Indianapolis | Task Force 51 ou TF 51 (Forces expéditionnaires Jointes) Task Force 58 ou TF 58 (Forces Aéronavales Rapides) |
TF 51 | vice-amiral Richmond Kelly Turner | TF 52 (Force d'Attaque du Nord chargée de Saipan et Tinian TF 53 (Force d'Attaque du Sud chargée de Guam) |
TF 52 | vice-amiral Richmond Kelly Turner | Force d'Attaque du Nord |
TF 56 | général Holland M. Smith (qui assurerait le commandement des opérations à terre) |
2e Division de Marines | Général Thomas E. Watson | |
4e Division de Marines | Général Harry Schmidt | |
27e Division d'Infanterie | Général Ralph C. Smith | |
24e Corps d'Artillerie | Général Arthur M. Harper | |
Total : | | 22 000 hommes |