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Portraits de Normands
La veste d’un parachutiste du D-DAY remet une famille sur les traces de son père
La veste retrouvée d’un parachutiste du D-Day a permis de créer un lien fort entre deux familles américaine et normande.
Un numéro de matricule militaire a tout changé. Rencontre à Portland avec Jackie Lang, l’une des filles du soldat.
Photo personnelle famille LANG Comme en France, la Seconde guerre mondiale est un traumatisme et souvent un tabou pour les vétérans américains.
Le père de Jackie, John E. Lang, n’a jamais parlé à ses enfants de son passé de soldat. Tout juste ses cauchemars et ses cris nocturnes trahissaient cette cicatrice.
> Lire aussi : Robin Massee : « Créer un lien entre la France et les USA »
Parachutiste du D-Day
Des années plus tard, Arnaud Digard remettait la fratrie des Lang sur les traces de son père, parachutiste du D Day au sein de la 82e Airborne.
Passionné par l’époque de la Seconde guerre mondiale, ce Manchois pur jus fait l’acquisition d’une veste de « para » dans une brocante et cherche à en connaître l’histoire.
Le numéro de matricule militaire inscrit sur le col le met sur la voie d’un John E. Lang, jeune soldat né dans le Montana engagé à la sortie du lycée.
Quand il contacte un de ses fils, sénateur du même état, la méfiance est de mise.
« On ne connaissait pas ses intentions, nous pensions qu’il voulait nous vendre quelque chose », concède Jackie Lang, l’une des filles du soldat.
Elle traverse alors l’Atlantique pour rencontrer Arnaud et marcher avec sa famille dans les pas de son père.
« Nous savons qu’il était dans les derniers à sauter le 6 juin.
C’était très dangereux, car il n’y avait plus d’effet de surprise et ils étaient pris pour cible par les Allemands avant même de toucher le sol », rapporte Jackie,
Responsable des affaires publiques et de la communication d’une grande entreprise de Portland. « La plupart de ses camarades ont été tués ».
Le parachute de son père se serait accroché dans un arbre.
Un fermier l’en aurait sorti avant de le cacher et lui fournir des vêtements de civil, le temps de retrouver une unité US et poursuivre sa mission.
« On peut imaginer la solitude et la montée d’adrénaline qu’il a pu ressentir… »
Une « Normandie night » à Noël
Le reste du périple français de John.
E. Lang est encore flou, mais la veste du parachutiste du D-Day retrouvée en 2013 a poussé ses enfants à exhumer le passé.
« Ma sœur a ressorti plus de 2OO lettres cachées dans un tonneau au sous-sol. Nous essayons de les mettre bout à bout pour comprendre son passé », reprend Jackie Lang.
Pour Noël, les sept enfants et les nombreux petits enfants du soldat Lang se sont réunis pour une « Normandie night », autour des lettres, de la veste, et des photos de Normandie.
« Nous nous sommes tous assis pour lire les lettres et transmettre à nos enfants ce que l’on savait de l’expérience de papa ».
A cet instant, ils réalisent la peur et l’émotion qui transpire de cette correspondance. « Il écrivait presque une lettre par jour à sa mère.
C’était un homme qui ne parlait pas beaucoup, mais cette discussion quotidienne avec sa maman était surprenante.
Bien sûr, il choisissait ses mots pour ne pas l’inquiéter », confie sa fille, qui tente de combler les blancs entre le D-Day et le retour douloureux de son père au pays, dans le bar-restaurant familial.
« Il buvait pour oublier la guerre et la douleur.
Trois opérations du dos ont été nécessaires.
Puis il a décidé de prendre un nouveau départ en cultivant 4000 hectares de blé dans le Montana.
Après ça, il n’a plus touché une goutte d’alcool ».
Photo personnelle famille LANG La Manche : changement de point de vue
Depuis la rencontre avec Arnaud, un lien fort s’est retissé entre la famille Lang et la Normandie, où se cache une part mystérieuse de l’histoire de John.
« Avant nous ne connaissions de cette région qu’une histoire de mort et de douleur liée à la guerre, ainsi que le début d’une victoire monumentale.
Désormais, la Manche m’évoque une belle et paisible région, riche en histoire », compare Jackie Lang.
Ses nombreux frères et sœurs envisagent de marcher sur les traces de leur père en Normandie, comme Jackie l’a fait avec Arnaud Digard sur les plages du Débarquement,
Omaha Beach, Arromanches, Graignes et Sainte-Mère-Eglise.
« J’ai découvert l’hospitalité des Normands, et cette histoire pleine de sens dont on peut véritablement faire l’expérience… Désormais, je me considère comme ambassadrice du tourisme normand ! »,
s’amuse l’Américaine installée dans l’Oregon.
Pour ses enfants, tout juste diplômés de l’université, ce voyage dans la Manche restera une expérience unique.
« Ils étaient surpris de voir cette amitié et cette relation puissante entre la France et les Etats-Unis. Dans leur cœur, ils savent que les Normands sont des gens biens ».
Photo personnelle famille LANG La veste reste en Normandie
Quant à la fameuse veste, que les enfants de Jackie ont enfilée sur les plages du débarquement, elle restera en Normandie,
là où John E. Lang l’avait laissée.
« On aime l’idée qu’elle reste ici pour contribuer à raconter l’histoire d’un soldat ».
Interview réalisé par Hélène & Valentin